A peine les Européens sortent-ils de leurs terres en partant sur les mers, les océans qu’ils développent l’obsession de rapporter de ces lointaines contrées des trophées vivants, et par n’importe lesquels, des trophées de chair, d’os et de sang. Des autochtones parés de leurs meilleurs atours, os en travers du nez, plumes au derrière et crane de zébu en couvre-chef et de les exhiber devant la cour des rois, des reines et bandes de courtisans à plat ventre.
Au retour de son 1er voyage aux Antilles, Christophe Colomb ramena avec lui un groupe d’Arawak. Il sélectionna 500 d’entre eux destinés à être des cadeaux pour la cour d'Espagne, mais seulement 300 survivront à la traversée. Après que la noblesse espagnole se fut amusée puis lassée de ces « nouveautés venues des Indes », les Arawak seront vendus au plus offrant.
Pendant 300 ans il était smart pour un navigateur d’importer dans ses soutes de « ces curiosités exotiques », qui, à coup sûr animeraient les soirées proutprout de ces dames et messieurs de la bonne société. Ils n’étaient pas tous des rufians d’ailleurs ; L’un d’eux, Binot Paulmier de Gonneville au 16ème siècle ramènera dans ses baguages du Brésil le fils du chef de la tribu des Carijós, il le nommera Essemeric, l’adoptera, le mariera à une de ses nièces, Marie Moulin, qui lui donnera quatorze enfants. Après la mort de sa femme, Essemeric Paulmier se remariera avec une autre jeune fille d’Honfleur, qui lui donnera encore sept filles…
Enfin pour ne citer que lui, L’empereur, qui s’y connaissait en « curiosités et falbalas » s’entourera d’une bande de sicaires, des déserteurs musulmans d’Ali Pacha pendant la campagne d’Egypte. Les Mamlouks, le plus célèbre d’entre eux, garde du corps de Napoléon 1er fut Roustam.
Donc, des êtres dits primitifs exhibés comme des trophées par ces aventuriers vont au fil du temps permettre de développer et cela par des scientifiques patentés les théories de supériorité raciale, et le concept du sauvage. Parallèlement la traite des noirs transformera « l’homme sauvage » en une marchandise à vendre, à échanger et permettra de fournir une main d’œuvre aux colonies.
Puis vint le 19ème siècle, la paléontologie, l’anthropologie et autres marottes scientifiques, mais aussi les expositions coloniales, Internationales, nommées « foires ».
D’un côté Darwin et sa théorie sur l’évolution qui va chambouler l’église en particulier mais aussi la vision humaine de ce monde. De l’autre la fin de l’esclavage en 1848, et parallèlement l’épopée coloniale européenne. De ces terres lointaines le colon pacificateur, formateur, civilisateur qui apporte les lumières à ces peuples des ténèbres ; de l’autre l’envoi pour études approfondies de ces autochtones dans nos pays, des Indochinois, Soudanais, Kanaks et Touaregs ; mais restés innocents tel l’enfant, ou considérés comme vil et fourbes c’était selon, et traités en sujets d’études au même titre que le tapir ou le koala, le baobab ou le pavot.
Ces pauvres malheureux étaient amenés, étudiés, mesurés et exhibés comme des ours savant à des assemblées de notables, puis pour certains cela se terminait dans les foires ; montrés comme des curiosités au même titre que la femme à barbe ou le géant des Carpates. Des capitales telles que Paris et Londres construisirent des reproductions de villages, y installèrent des familles entières afin que le public puisse se délecter en observant ces peuplades comme dans un zoo humain.
On peut considérer qu’entre 1850 et 1930 des centaines d’exhibitions de ce genre furent visitées par au moins ½ milliards de citoyens des pays « civilisés ». La dernière connue fut celle de 1931 de Paris – « Exposition Internationale Coloniales » elle se tient à Vincennes. Comme les précédentes, elle se présente comme un « magnifique livre d’images » destiné à célébrer les vertus du commerce des colonies. Le succès que remportera l’Exposition est contenu dans cette affiche promettant « le tour du monde en un jour ». Elle rassure le visiteur sur l’état de l’empire placé sous la bannière protectrice et civilisatrice d’une France qui veut affirmer universellement ses valeurs. Il nous reste d’ailleurs des vestiges de ces « expositions coloniales », celle de 1907. Six différents « villages » furent construits dans le jardin d’agronomie tropical du bois de Vincennes. Ils étaient supposés représenter et décrire le style de vie de tous les horizons de l’empire - Madagascar, Indochine, Soudan, Congo, Tunisie and Maroc. Vous pouvez de nos jours en fouillant un peu retrouver des vestiges de ces « villages » dans le bois de Vincennes. D’ailleurs je me suis inspiré pour cet article d’un document que vous pouvez trouver sur :
http://www.messynessychic.com/2012/03/02/the-haunting-human-zoo-of-paris/
Quant aux « habitants » après le spectacle… Personne ne prit la peine de s’occuper du retour, ils disparurent dans la masse comme évaporés…
Ça se passe au début du 19 ème, en 1810. Une jeune femme de 20 ans née en Afrique du Sud dans le groupe ethnique des Khoisan est achetée par un vendeur d’animaux exotiques qui vit au Cap. Elle est revendue à un anglais et se retrouve à Londres, exhibée de la manière la plus offensante pour une femme. Presque nue devant le public.
Cette jeune femme nommée Sarah “Saartjie” Baartman souffre de 2 particularités. 1) La stéatopygie est une hyperplasie génétique courante dans sa tribut. Des tissus graisseux viennent s’accumuler sur les hanches et la région fessière. 2) L’élongation des labias majora ou en langage clair : L'allongement de grandes lèvres de la vulve par étirements et poses de poids qui fait que ces lèvres pendent d’au moins 8 centimètres. Cette pratique est courante dans les peuples Khoisan et Bantou.
Cette pauvre femme se montrera durant 4 ans, elle ira même en Irlande et sera christianisée.
Elle est revendue à un français en 1814. Puis un montreur d’animaux, l’exhibe dans les rues de Paris.
Le naturaliste Georges Cuvier responsable de la ménagerie du Muséum d’histoire naturelle s’intéresse à elle. Elle est l’objet de plusieurs peintures, dont celle visible dans cet article. Il est à signaler que cette image fait partie du tome II des "illustrations de l'Histoire Naturelle des Mammifères". On la trouve entre une représentation d'un Mouflon de Corse femelle, et la représentation d'un Entelle mâle...
Pour survivre elle se prostitua, devint alcoolique et mourut un 29 décembre 1815. Elle avait certainement moins de 30 ans.
Une autopsie fut faite ; Cuvier écrivit un rapport en soulignant l’intelligence, la grâce, la bonne mémoire et le bon caractère de Sarah. Cependant, en étudiant le corps et les organes de cette femme, il ne faisait selon lui aucun doute que Sarah avait tous les traits et toute la morphologie d’un singe, ou plutôt d’une guenon. Il écrivit que ses oreilles étaient petites comme celles d’un Oran outang et sa vivacité d’esprit celle d’un Chimpanzé.
Son squelette, son appareil génital et son cerveau furent mis en vitrine et exposés au public jusqu’en 1974…
En 1978 Diana Ferrus, poetesses de Sud Afrique écrit «I've come to take you home"
I’ve come to take you home –
Home, remember the veld?
The lush green grass beneath the big oak trees
The air is cool there and the sun does not burn…
En 1994, le Président Nelson Mandela demande à la France de rendre la dépouille. Il faudra attendre 2002 pour qu’enfin ce qui a été Sarah retrouve son pays presque 200 ans après, elle est enterrée sur la colline de Vergaderingskop.
Sarah, Saartjie Baartman est devenue une icône dans son pays. Il y a même un vaisseau de la marine qui s’occupe de protection de l’environnement qui s’appelle le Sarah Baartman.
Vogue ma belle, vogue, car tu fais partie du songe des hommes.
Georges Zeter/Juin 2013
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Saartjie (Sarah) Baartman - dite la Vénus Hottentote –
https://en.wikipedia.org/wiki/Sarah_Baartman
Diana Ferrus: http://www.thenewblackmagazine.com/view.aspx?index=1014
Elongation labia: https://en.wikipedia.org/wiki/Elongated_labia
La stéatopygie: https://en.wikipedia.org/wiki/Steatopygia