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Le FN infecte la République

Publié le 17 juin 2013 par Despasperdus

Les législatives partielles à Villeneuve-sur-lot ont accouché d'un duel entre la droite extrême (UMP) et l'extrême droite (FN). Elles sont révélatrices d'un malaise politique, social et démocratique, peut-être même moral, qui dévaste le pays.

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Réduire ces législatives à une situation locale et au cas Cahuzac, comme l'affirment les éléphants du PS est une erreur. Accuser EELV et le Front de gauche une faute.

Le vieux Front national recueille les fruits de la crise de la Cinquième République, de la dérive du PS et d'un climat particulièrement délétère.

LA CRISE DE LA CINQUIÈME RÉPUBLIQUE FAVORISE L’EXTRÊME DROITE

Le taux d'abstention qui dépasse 54 % révèle que le peuple ne se sent plus concerné par un jeu électoral qui est une caricature de démocratie, où la citoyenneté est réduite à un ou deux votes essentiels tous les 5 ans.

La Cinquième République empêche le peuple d'être d'une part, véritablement représenté, dans toutes ses sensibilités, dans les instances de la République, et d'autre part, consulté sur les questions essentielles.

Faut-il rappeler la part proportionnellement ridicule des ouvriers et des employés au Parlement bien qu'ils soient les plus nombreux dans la vie active ? Faut-il évoquer le mépris du peuple après les adoptions en catimini du traité de Lisbonne et du pacte budgétaire européen sans que son avis ne soit directement sollicité ? Et, il en sera de même du futur marché transatlantique !

La Cinquième République repose entièrement sur le bipartisme. Les deux partis les plus puissants qui partagent la même vision de l'économie et de l'Europe sont privilégiés et surreprésentés. Le bipartisme empêche une véritable alternance politique, c'est-à-dire une alternative politique puisque toutes les autres sensibilités politiques du peuple sont systématiquement sous-représentées, et n'ont quasiment aucune chance d'accéder au pouvoir.

En cas de grave crise sociale comme aujourd'hui, le système montre sa véritable nature : un système non démocratique qui s’accommode très bien de l'extrême droite. La présence à un haut niveau du FN ne remet en cause ni la domination du PS et de l'UMP, ni le fonctionnement des institutions, ni le capitalisme.

D'ailleurs, dans toute l'Europe où sévit le bipartisme, la montée de l'extrême droite n'a pas empêché la droite et la social-démocratie de mener ensemble ou alternativement des politiques austéritaires de régression sociale. L'extrême droite est l'idiot utile du système et un leurre électoral pour changer de système puisqu'au paroxysme de la crise, elle a même collaboré avec la droite et la social-démocratie pour sauver les intérêts de l'oligarchie comme en Grèce.

LA DÉRIVE DU PS FAVORISE LE FN :

L'élimination du candidat PS et le fort taux d'abstention traduisent le désenchantement du corps électoral qui dans son quotidien ne constate pas de différence majeure entre le gouvernement Ayrault et les gouvernements Fillon. L'absence de véritable alternance politique en mai 2012 s'est traduite par l'aggravation de la politique austéritaire, préconisée par la troïka néolibérale, FMI, BCE et commission de Bruxelles.

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En l'occurrence, le PS a complètement intégré les dogmes de l'idéologie néolibérale. Certains naïfs espéraient, à l'instar des animateurs du comité Roosevelt2012, que Hollande tirerait les enseignements de la crise en Europe, en particulier des désastreuses expériences "socialistes " en Espagne, au Portugal et en Grèce... Que nenni !

Le capitalisme et la mondialisation sont devenus l'horizon indépassable des solfériniens. Dans ce contexte, la seule variable d'ajustement dans la compétition internationale est le peuple que le gouvernement Ayrault, à l'instar de ses prédécesseurs, ponctionne en aggravant l'insécurité sociale et en le taxant davantage à coups d'impôts indirects et de casse des services publics.

La foi sans faille en l'économie de marché et le respect des marchés financiers conduisent le PS à vouloir, coûte que coûte, lutter contre la dette publique en pratiquant une politique plus austéritaire que l'UMP. Si le PS était quelque peu lucide sur les conséquences politiques, économiques et sociales de l'austérité sans fin, il déclarerait la banqueroute totale ou partielle de l’État pour assainir durablement les finances publiques (comme ça c'est toujours fait dans l'Histoire !) et pour protéger les intérêts de la multitude au détriment d'une minorité de nuisibles.

Or, en voulant rembourser la dette, le gouvernement Ayrault ne fait que préserver les intérêts d'une minorité de privilégiés, l'oligarchie, au détriment des intérêts de la multitude, c'est-à-dire du peuple. En d'autres termes, il est plus urgent pour le PS de rembourser les crédits accordés par l'oligarchie que de favoriser l'accès aux soins pour tous, le droit au travail, le droit au logement, le droit à une retraite décente pour tous à 60 ans et la lutte contre la pauvreté et la précarité sociale !

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Pour cacher cette réalité-là, les apprentis-sorciers solfériniens espéraient que le sociétal occulterait le social en faisant sciemment durer le débat sur le mariage gay. En vain !

Mais, les citoyen-ne-s ne sont pas dupes du double langage du PS. Hollande évoque la croissance mais il pratique l'austérité avec le pacte budgétaire et donc la récession économique. Ayrault fait de l'emploi sa priorité mais sa politique ne fait qu'aggraver le chômage avec le pacte de compétitivité et l'ANI. Le PS se gargarise de progrès social mais il promeut l'Europe néolibérale du dumping social et du grand marché transatlantique. Lebranchu vante les services publics mais elle accélère leur démantèlement via la MAP, la nouvelle RGPP. Harlem Désir revendique une Europe sociale, mais il fraye avec les promoteurs des Lois Hartz en Allemagne ou du gouvernement grec d'union nationale élargie à l'extrême droite.

Cette dérive social-libérale inexorable résulte probablement de l'embourgeoisement du PS et surtout du clientélisme et du carriérisme qui règnent en interne puisque le parti entretient, directement ou indirectement, une importante base militante professionnalisée, relativement épargnée des aléas de la vie économique et des réformes néolibérales, et qui tient à le demeurer, ce qui ne favorise ni le débat contradictoire, ni la contestation de la ligne politique définie par la direction.

UN CLIMAT FAVORABLE A L’EXTRÊME DROITE :

Ces dernières semaines, le Front national a franchi une nouvelle étape dans son ascension grâce au calcul politicien de Hollande sur le débat du mariage homosexuel qui fut excessivement long par rapport à celui de l'ANI ou du pacte budgétaire. Les solfériniens ont offert une tribune médiatique inespérée au FN. Et une certaine légitimité en manifestant main dans la main avec la droite.

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Avant cela, l'idéologie de la préférence nationale du FN avait été banalisée par les politiques relatives à l'immigration, communes au PS et à la droite, les discours très droitiers de Sarkozy et le débat sur l'identité nationale. Puis, l'arrivée de l'héritière Le Pen a conduit à une certaine normalisation du FN grâce à la complaisance des médias dominants.

Enfin, le discours relativiste ambiant sur les "extrêmes" qui fait rage dans les médias dominants, et auprès de certains politiques du PS et de l'UMP, participe de la désinformation et du déni de l'Histoire en amalgamant les antifascistes et le Front de gauche au Front national, ce qui valorise implicitement ce dernier et discrédite explicitement ses pires ennemis..

Le cordon de sécurité a sauté et une certaine désespérance sociale, doublée d'un ras-le-bol avec les nombreuses affaires de corruption du petit monde politico-économique, ont créé un climat favorable à la montée du FN. Pour bon nombre de citoyen-ne-s dégoûtés, désespérés et désorientés, le vote FN revient à faire un bras d'honneur au système et à tous les nantis du système : un vote de rejet. Mais, aussi un vote d'adhésion aux idées du FN qui les a enrichies d'un verni social pour masquer son néolibéralisme profond.

Dans ce contexte, le désistement républicain n'a aucun sens. Ce n'est pas l'arrivée au Parlement d'un élu d'extrême droite qui menacera la République mais la persistance de cette crise de régime, à la fois institutionnelle, politique, économique et sociale. Seul le Front de gauche propose de sortir par le haut avec une politique de progrès social et la convocation d'une assemblée constituante pour la VIème République. Le seul espoir même si aujourd'hui, encore, il n'est pas suffisamment puissant pour contrer le FN et les deux partis austéritaires.


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