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Marx**

Publié le 21 juin 2013 par Zebralefanzine @zebralefanzine

C’est la mode en BD de présenter ou d’introduire des philosophes réputés, voire des hypothèses webzine,bd,gratuit,fanzine,zébra,bande-dessinée,kritik,critique,karl marx,engels,marxisme,biographie,révolutionnaire,hegel,stalinienscientifiques tarabiscotées, auxquelles le grand public ne comprend que dalle.

Tous les outils semblent réunis aujourd'hui pour satisfaire la soif de connaissance et la combler -internet, wikipédia-, et pourtant cette soif n’en demeure pas moins aussi impérieuse, après des millénaires d’enquête.

Il y a deux catégories d’être humains selon la dichotomie de Francis Bacon, qui fait partie des références humanistes de Karl Marx : d’une part ceux qui poursuivent le but du bonheur, de l’autre ceux qui poursuivent le but de la connaissance et du savoir – que l’ignorance vrille autant que peuvent la soif ou la faim, et qui ne se satisfont pas de l’explication toute faite de la destinée, du hasard ou de l’Etat providentiel. Certainement Karl Marx fait partie de la seconde catégorie, et affiche un mépris pour Epicure et l’épicurisme. C’est le principal mérite de cette BD de montrer Marx aiguillonné par la curiosité… et peut-être son seul mérite.

L’album parvient à rendre Marx sympathique, comme le sont me semble-t-il les hommes ou les femmes insatisfaits d’eux-mêmes, et qui ne cherchent pas d’abord à se justifier par les erreurs d’autrui, ce qui est le penchant commun. Sur l’aspect didactique, en revanche, cette BD échoue à dire clairement en quoi la science de Marx est révolutionnaire et perturbe les certitudes technocratiques de son temps, qui est encore le nôtre.

Le principal problème que la communication des ouvrages critiques de Marx en France doit affronter n’est pas abordé dans cet album. C’est celui de la censure. En effet, Karl Marx ne partage aucune des valeurs laïques républicaines dont l’enseignement est obligatoire en France. Les élites staliniennes ont naguère fait un effort considérable pour ramener Marx à Hegel, alors que celui-là n’a cessé de s’éloigner de la brillante théorie du progrès national-socialiste. Tout simplement parce que l’hégélianisme, lui, est compatible avec l’appareil judiciaire d’une république populaire ou démocratique, contrairement à la démonstration historique de Marx que le droit républicain ne fait que prolonger le droit ecclésiastique, en l’adaptant à la nouvelle donne industrielle. Marx et Engels ont anticipé la violence républicaine catastrophique du XXe siècle, tandis que les élites républicaines européennes n’ont fait que se disculper de cette violence, postérieurement aux catastrophes, suivant une méthode religieuse caractéristique.

Marx avait bien compris que l’institution catholique romaine était imperméabilisée contre l’histoire. Mais aussi qu’il en est de même de toute institution puissante.

Les quelques dernières pages de cette BD, consacrées à l’actualité de Marx ne font qu’accroître la déception, car c’était là un sujet bien plus intéressant. Et Marx n’aurait accordé à sa propre biographie aucune espèce d’intérêt, n’étant pas de ces artistes qui se contemplent ou se projettent dans leurs ouvrages, en pensant qu’ils les prolongeront dans l’au-delà.

Les auteurs constatent que chaque nouvelle crise économique remet au goût du jour la fameuse observation de Marx : «Le Capital est le pire ennemi du Capital», fortement évocatrice de la spiritualité juive dressée contre la tour de Babel, qui symbolise l’anthropologie ou le langage, et s’écroule d’elle-même. Parodiant Marx, on pourrait dire que la force révolutionnaire des « subprimes » ou des « hedge funds », aussi imprévisibles que les cyclones, excède largement celles des mélanchoniens ou des lepénistes réunis, somme toute plus nostalgiques des « Trente Glorieuses » qu’autre chose.

Marx, par Corine Maier et Anne Simon, Dargaud, 2013.


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