Je le croise encore parfois, au détour de ma mémoire, dans la splendeur de ses 17 ans. Cette impalpable et volatile attirance qui flottait entre nous, jamais nous ne l’avons concrétisée. J’attendais qu’il me prenne la main, qu’il me guide. Il ne l’a jamais fait, que dans la danse.
D’une manière difficile à expliquer, il était différent, riche d’une vie intime plus complexe, plus secrète que les autres...
Différent, il l’était aussi quand il dansait. Il inventait des pas, des passes, se concentrait sur un rythme intérieur impulsé par la musique, hors de toute convention. Aucune fille ne parvenait à entrer dans cet univers. Aucune autre, à part moi.
J’ai connu de bons, de très bons, et de très mauvais danseurs. Lui, il fut autre chose. Mon partenaire, dès la première fois où il m’a invitée à danser. Mon double. Dès les premières notes, nous entrions dans un monde qui n’appartenait qu’à nous. Je comprenais, sans qu’il le dise, tous ses mouvements, ses invites muettes, et j’y répondais exactement, sans réfléchir.
Nous aurions du faire l’amour. Nos corps étaient fait pour se mouvoir ensemble.
J’ai quitté la bande, il y a de nombreuses années. Jetée dehors, sans avoir le loisir de m’expliquer, sans une seconde chance, sans un adieu. Effacée.
Il n’a fait aucun geste, indifférent et froid. Ni lui, ni moi, ne parlions beaucoup...