[TRIPTYQUE]
Dehors | Dedans
Par la fenêtre entrouverte, le mois de mai te hèle à tendres parfums de glycine très bleue. Toi tu restes là, assis, tous sens assoupis. Tu tiens la main d’une femme qui n’a plus envie de vivre.
Elle a déposé les armes et les outils. Nue, sans défense ni désir. Elle se laisse couler. Elle glisse irrémédiablement. Tu ne veux pas l’abandonner à son enlisement, si seule, si misérable.
L’as-tu jamais comprise ou aimée ? Tu ne sais plus. Tu ne connais que cette exigence : être une présence sans pourquoi.
Silence
Tu restes abasourdi. Tant de bruit pour rien. L’effroi d’un fracas incessant venant battre la cloison qui t’isole du mouvement. Un flux obsédant. Une menace.
En vain essaies-tu de préserver un espace vierge. Le vacarme vient corrompre le blanc du jour vacant. Tu te rebelles sans espoir.
La nuit offrira-t-elle ses territoires vierges à l’âme altérée ? Où creuser un vide qu’enchanterait la musique des sphères ?
Et toujours le poème
Chaque fois tu t’étonnes et t’émerveilles.
De partout te pressent les urgences, mais tu sens monter en toi, irrépressible, le poème. Lui prêteras-tu voix ?
La nécessité de tendre l’oreille aux cris du monde, de répondre aux appels fait obstacle au jaillissement.
Tu réprimes le surgissement inopiné.
Il prétend te harceler sans égard.
Tu devines qu’il en va de ta vie, l’essentielle. Alors tu cèdes à l’élan. Tu écris.
Colette Nys-Mazure
texte inédit
pour Terres de femmes (D.R.)
COLETTE NYS-MAZURE
Ph. © Françis Jalain
■ Colette Nys-Mazure
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