Sicko (Je ne souris pas, j'ai des gaz)
Publié le 24 avril 2008 par CorckyHypocondrie: "Préoccupations obsédantes au sujet de la santé donnant une interprétation déraisonnable aux signes physiques ou aux sensations"
En gros, un hypocondriaque a tendance à prendre un furoncle pour une métastase, une crampe pour un infarctus et un rhume pour une attaque de chikungunya.
Un exemple?
Ma femme, un soir, en enfilant son pyjama (enfin, sa nuisette, elle est sexy même quand elle pionce, ma meuf, sauf l'hiver, où elle met des pyjamas en pilou, mais c'est un autre débat), ma femme donc, déclare en souriant: - C'est rigolo, on a toujours un sein plus fort que l'autre. Moi, examinant la (superbe) poitrine de ma chère moitié: - Ah ouais? Et c'est lequel, chez toi? - Ben, celui-là (elle le désigne) Moi, prenant un air dégagé: - Oui, c'est comme pour les pieds, quoi... Et ajoutant dans la foulée (parce que la petite machine vient de s'emballer dans mon cerveau d'emmerdeuse, attention, tempête sous un crâne) : - Mais heu...t'es sûre qu'il a toujours été un peu plus gros, celui-là? Et mon z'amour d'éclater de rire (putain, heureusement que ça la fait marrer...moi, je ne me supporterais pas, je m'insulterais à longueur de journée, je me flanquerais des baffes et même des pains dans ma gueule, je me finirais à terre à coup de lattes et pour finir, je m'enverrais consulter aux urgences psy). Mon z'amour, donc, se marre et conclut: - Et voilà mon ange en train de se convaincre que j'ai un cancer du sein. Bien vu. Oui, je suis malade (complèèèètement mallaaaadeuh!). Je suis hypocondriaque. Paraît que c'est fréquent, chez nous, les infirmières. Qu'à force de croiser, au détour d'une porte, monsieur Cancer, le père SIDA ou Maraine-la-bonne-chtouille, on finit par les voir partout, même sous les traits inoffensifs de cousin Rhume et de Tata Grippe. - Chérie...tu peux regarder, là, dans mon dos? Y'a comme une petite boule... - Mmmm...vouiiii...c'est un bouton. - T'es sûre? C'est de quelle couleur? - Ben...couleur "bouton". - Les contours, y sont comment? Les bords? C'est granuleux? - Bon, tu m'emmerdes, là.
Alors, déçue de s'être fait rembarer comme une malpropre, un peu coupable parce qu'elle sait que la Raison est dans le camp adverse, et surtout pas rassurée du tout, l'emmerdeuse hypocondriaque se glisse subrepticement jusqu'à l'ordinateur, une machine habituellement synonyme de plaisir et de détente, qu'elle va se faire un plaisir de transformer en Mephistophélès digital puisqu'elle va passer environ deux heures sur tous les forums médicaux possibles et imaginables.
C'est une invention extraordinaire, les forums médicaux.D'un simple clic, tu entres tes symptômes, réels ou imaginaires, tu valides, et hop! Le truc te recrache illico les pseudos de milliers d'autres connards comme toi, sauf que ces connards-là sont en règle générale encore plus tarés que toi puisqu'ils ont franchi le cap de l'examen invasif douloureux (typiquement: la coloscopie) pour être bien sûrs qu'ils n'avaient rien.
Les forums médicaux sont littéralement blindés d'hypocondriaques.
Du coup, on se croirait presque sur un site de recettes de cuisine, sauf qu'au lieu d'avoir Gertrude et Micheline qui se refilent des tuyaux pour bien réussir un boeuf Stroganoff, c'est Gérard, Marcel et Paulette qui se passent le mot concernant ganglions, fièvre, vertiges et ballonnements:
j'aimerais savoir si on peut avoir le cancer du côlon et rectum a 22 ans ? Merci de votre aide.
... Je suis très anxieux et m'imagine déjà avoir un cancer du côlon (j'ai 26 ans)... Ce liquide peut-il être là à cause d'un cancer du côlon ? ...
Bonjour,y'a-t il un lien entre le fait de faire des kystes et développer un cancer ?
Actuellement j'ai l'impression d'avoir un truc dans la gorge et franchement je pense que c'est par rapport a ma thyroide...
Ajoute à ça le fait que la plupart des messages sont agrémentés de ridicules petits smileys jaunes (j'aimerais bien, un jour, en mettre un qui fait caca ou qui gerbe) et parsemés d'horripilants "lol" et "ptdr", sans parler des fautes d'orthographe et des lignes entières tapées en majuscules. L'enfer, quoi.
Sartre nous disait que l'Enfer, c'est les autres.Mon cul, oui. L'enfer, c'est moi.
Je me joue mon "Huis-clos" toute seule comme une grande. "Sors de ce corps, Satan!"
Mon Satan à moi est un grand malade à personnalités multiples, et comme les démons mineurs, on l'appelle "Légion", vu qu'il est nombreux: cancer du sein, cancer du côlon, cancer de l'utérus, cancer de la prostate (ah non...celui-là, bizarrement, il me fait pas trop flipper), cancer des poumons, cancer des amygdales, du larynx et de l'oeil, bref...des métastases partout, une armée de métastases, le flot belliqueux des Perses cellulaires montant à l'assaut des trois-cent Spartiates immunitaires de mon défilé des Thermopyles à moi. Moi, Léonidas réincarné.
Crois-le ou pas, c'est limite angoissant, de se sentir dans la peau d'une girafe dépressive et hypocondriaque doublée par Jean-Paul Rouve.
Celui qui rigole bien, c'est mon psy.
Qui est lacanien en diable (encore le diable, on n'en sort décidément pas, putain d'héritage judéo-crétin) et pour qui le langage est un organe.
Soit.
Je veux bien l'admettre, que le langage est un organe à part entière. Mais alors...
Merde.
Encore un endroit susceptible de métastaser! - Ben oui...me dit-il en souriant. Justement.
Salopard.