Quand j'avais dix ans, j'avais le plus grand respect pour trois professions : curé, éboueur et journaliste.
Je me racontais que, dans les trois cas, il fallait une abnégation hors du commun, un sens des responsabilités qui pouvait aller jusqu'à la négation de ces propres opinions...
Ces gars-là étaient des super-héros (le fait que Peter Parker et Clark Kent travaillent tous les deux dans un journal ne devait pas y être étranger...)
Vingt ans plus tard, pour les curés et les éboueurs, je n'ai pas changé d'avis (bien que je ne connaisse pas de super-héros curé ou éboueur...)
En revanche, j'ai eu le temps de me rendre compte que je m'étais bien trompé pour les journalistes.
Entre des journalistes (et pas des stagiaires ou des pigistes, hein, carrément des monuments du journalisme français) qui annoncent la mort de Pascal Sevran en direct, sans avoir vérifié leur source, histoire d'être les premiers à le faire... (j'imagine difficilement la réaction de la famille, sachant Sevran gravement malade)...
Entre les hebdomadaires et/ou les quotidiens orientant facilement leurs articles vers les côtés les plus "frivoles" du pouvoir, en arguant que le public ne demande plus que ça (drôle de notion de l'offre et de la demande, tout de même)...
Entre toute une rédaction bidonnant non pas un reportage un reportage, mais une soirée tout entière, faisant croire à la désagrégation politique et civile d'un pays (soi-disant pour faire réfléchir sur la notion d'unité nationale... on voit à quel point ça a bien réussi !!!)...
Et entre la multitude d'hebdos gratuit qui finissent par polluer systématiquement nos trottoirs, et dont les 10% de contenus lisibles sont des dépêches d'agence à peine re-digérées ou des recopies des News Yahoo (elles-mêmes recopiées sur les dépêches des agences de presse)...
Dur de garder du respect pour cette profession...
Une profession dans laquelle je sais que, malgré tout, l'on peut encore retrouver quelques individus intègres et passionnés, mais noyés dans des logiques économiques impitoyables, des courses au scoop quel qu'en soit le prix...
Une profession quicritique très violemment les expressions individuelles des internautes, s'abritant derrière une "déontologie" qu'ils bafouent de plus en plus volontiers...
Ou alors... Attendez...
Et si c'était nous, les lecteurs, les téléspectateurs, les internautes, qui avions mal tourné ?
Et si nous n'étions plus capables de faire la différence entre une vraie information et une information frivole ?
Et si nous avions mis au même niveau, dans notre système de valeur, une guerre dans un sous-continent africain et les résultats du match de football de la veille ?
Et si c'était nous qui, finalement, ne nous soucierions plus de la qualité et de la vérité des informations qui nous parviennent ?
Et si nous étions devenus totalement incapables de protester contre ces dérives médiatiques, ces journalistes qui transmettent une information fausse, biaisée, de moindre importance ?
Quand ceux qui me fournissent en viande, en pain, en services bancaires et en savoir-faire en plomberie font mal leur travail, j'en change.
Immédiatement.
Je ne me contente pas d'une qualité moindre, même lorsqu'ils me disent "Oui, mais c'est ce que me demandent les clients !"...
Ne sommes-nous pas capables d'en faire autant pour ceux qui nous fournissent en information et en intelligence ?
L'autre jour, je démontrais à l'une de mes collègues que les hebdos gratuits étaient des catastrophes de non-information.
Et elle de me répondre : "Mais on s'en fout, de toute façon, les journaux, c'est juste pour s'occuper un peu pendant les trajets en tramway..."
Ah ben si on s'en fout, alors...