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Max | Arrêt sur image

Publié le 22 juillet 2013 par Aragon

Je retouve ce papier écrit quand je bossais à Mayotte, une note-réflexion :

À midi, ce vendredi 7 décembre 2007, pluie de mousson quand je partais déjeuner en moto. Mais alors vraie pluie ! Pluie dévallant le ciel à grand fracas,décrassant les favelas de Mamoudzou. En passant dans le quartier-cuvette de Boboka, empêtré dans ma combinaison de pluie, au ralenti, une mélodie parvient à mon oreille casquée. Intrigué, je ralentis encore. Je suis à présent en première et je vois une petite maoré de quel âge ? Quatre, cinq, six ans ? C’est elle qui chante à tue-tête. J’entends à présent nettement ce qu’elle chante. Je suis arrêté presque à sa hauteur. Sous la pluie diluvienne, dans son bourbier, dans un amas de tôles, pourritures éparses, tas d’immondices infects, bananiers saturés d’eau, zébus entravés étonnés mais apaisés par les trombes de flotte, elle chante cette petite, ne me regarde pas !

Trempée comme une soupe qu'elle ne mangera pas ce midi, sautant d’un pied sur l’autre en battant des mains, elle continue de chanter, le visage radieux : « En passant par la Lorraine avec mes sabots, rencontrais trois capitaines avec mes sabots dondaine, oh ! Oh ! Oh !.... » 

J’ai eu un grand frisson sur ma bécane, incroyable cette petite fille chantant sous le déluge « En passant par la Lorraine », si vieille chanson de France dans cet endroit de rien, cette terre française mais contenant si peu de France en vérité dans ses entrailles latérite et son coeur Mozambique. Merveilleuse petite fille de rien, du trou infâme de Boboka, du cœur du néant, petite fille des poubelles, petite princesse du ciel, de sa pluie de mousson. 


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