Magazine Journal intime

Germaine Tillion

Publié le 28 avril 2008 par Stella

g-tillion.1209379447.jpgGermaine Tillion est décédée le 19 avril dans sa jolie maison de Saint Mandé, à côté de Paris. Elle aurait eu 101 ans le 30 mai prochain. Elle était avant tout ethnologue et avait reçue sa formation auprès de Marcel Mauss et Louis Massignon, excusez du peu. Diplômée de l’Ecole pratique des hautes études, de l’Ecole du Louvre et de l’Institut des Langues orientales, c’était une spécialiste reconnue de l’Algérie. Parallèlement, elle a publié de nombreux travaux sur l’histoire de la Seconde guerre mondiale, sur les camps de concentration nazis et soviétiques, donnant – à mon avis – une excellente réplique à Hannah Arendt dans l’analyse du phénomène totalitaire. Germaine Tillion était, surtout, une lutteuse de fond en faveur de la liberté, de l’égalité et de la fraternité.

 J’aimais beaucoup cette dame. Nous avons fait connaissance, si j’ose m’exprimer ainsi, une nuit, fort tard. Pendant la maladie de mon oncle André, en 2005, j’avais parfois du mal à m’endormir et j’aimais à regarder la télévision nuitamment. Cette fois-là, il était peut-être 2 heures du matin lorsque je branchais mon poste et tombais sur une conversation tout à fait étonnante. C’était une rediffusion d’un entretien remontant quelques années en arrière entre quatre femmes qui s’étaient connues dans un camp de transit qui était, je crois, dans le sud de la France, avant d’être déportées à Ravensbrück. Il y avait là Geneviève Anthonioz-De Gaulle (décédée en 2002 et dont le petit livre La Traversée de la nuit m’avait profondément émue), Anise Girard, (qui sera l’épouse d’André Postel-Vinay, autre grand résistant et haut fonctionnaire, mort en 2007), Denise Jacob (la sœur de l’ancien ministre Simone Veil) et Germaine Tillion. Autrement dit, la compagnie était prestigieuse.

 Ces quatre femmes parlaient avec douceur, simplicité, des rires parfois de leurs années de camp. Elles mélangeaient humour et sérieux, se souvenaient des disparues. Il a été notamment question de la mère de Germaine Tillion, Emilie, grande résistante, écrivain, critique d’art, fondatrice avec son mari des Guides Bleus Hachette, ces précieux outils indispensables au voyageur que je suis. Elle n’a pas survécu à Ravensbrück.

 Sa fille était résistante aussi, membre du réseau du Musée de l’homme. Dénoncée par l’abbé Robert Alesh, elle avait été arrêtée en août 1942 et emprisonnée pendant un an à Fresnes avant de partir, avec sa mère, à Ravensbrück. J’ai lu son étude consacrée à ce camp, un ouvrage documentaire remarquable.

 Germaine Tillion aimait à parler du passé, mais s’intéressait aussi au temps présent et à l’avenir. Toutes les causes étaient siennes : l’esclavage, l’oppression des femmes, la maltraitance dans les prisons, la persécution des sans-papiers. Contre vents et marées, elle demeurait fidèle à son idéal de fraternité et de compassion. La montée du terrorisme l’inquiétait mais, plus encore, l’ampleur des réaction qu’il suscitait. « Elle était persuadée qu’on s’y prenait mal, écrit Tsvetan Todorov dans son hommage, dans le journal Le Monde du 22 avril 2008. D’abord en parlant de « terroristes », réduisant donc les autres aux moyens techniques dont ils se sont servis et négligeant de s’interroger sur les raisons de leurs actes ; ensuite en combattant la violence par la violence, entretenant le ressentiment et le désir de vengeance. » Elle était une véritable humaniste et plaçait la fraternité avant toute autre valeur. J’aimerais bien posséder à ce point cet idéal. Pour moi, cette femme restera pour toujours une référence.


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