Le souci est que la différence est colossale entre marketing ethnique et marketing religieux : malgré sa récence, c’est un indéniable progrès que des consommateurs d’origine africaine, par exemple, puissent traiter leurs cheveux avec des shampooings et après-shampooings dédiés dès lors qu’ils présentent, dans de nombreux cas, des caractéristiques spécifiques. La chose ne relève pas que d’une dimension intime et privée : on expose sa chevelure et son allure, par essence. Toutes deux revêtent un fort aspect social.
En revanche, les marques qui occupent le terrain religieux franchissent un Rubicon en exposant et exploitant ce qui relève du privatif. Ultime exemple en date : Mektoub, le leader français des sites Internet de rencontres (exclusivement) dédiées aux musulmans d’origine maghrébine, et présenté officiellement comme tel sur la homepage du site. Le positionnement est en soi passablement dérangeant : des affinités culturelles, on glisse subrepticement aux affinités cultuelles. De considérations collectives et sociales, on verse dans des enjeux privés et intimes. Le basculement est majeur. Avec en point d’orgue, une signature en langue et caractères arabes (!), donc excluant pour la majorité des Français.
Mais ce qui est définitivement inacceptable car relevant d’une mystification, c’est le double jeu opéré Mektoub. L’entreprise, malgré donc son positionnement limpide et affiché en exergue de son site, est présenté de manière bien différente et édulcorée dans le cadre de sa campagne TV, actuellement sur les écrans estivaux : « Mektoub, site de rencontres par affinités culturelles ». Aucune mention de la double composante religieuse et ethnique, alors même qu’elle constitue le pivot et la raison d’être du site. Juste deux prénoms à consonance maghrébine (mais donc parfaitement neutres et indifférenciables a priori dans la cadre d’une vision française républicaine, sauf à adopter une vision discriminatoire et délictueuse…).
On imagine que le CSA a imposé cette éludation sémantique. Le remède est encore pire que le mal, hélas. Guère de surprise cependant : à l’image de la mention mécaniste et ridicule des 5 fruits et 5 légumes par jours, accompagnant chaque spot pour des hamburgers, colas et chips ultra-addictifs, sur-saturés de sucres, de graisses et de colorants, le CSA renforce sa seule expertise véritable : la mauvaise foi.