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1, 2, 3 soleil...ou l'admiration de fil en aiguille.

Publié le 04 août 2013 par Mademoizela
"Il me semblait que la terre n'aurait pas été habitable si je n'avais eu personne à admirer." Simone de Beauvoir.
Pour se construire, l'être humain a besoin de modèles dont il va s'inspirer ou imiter et d'anti-modèles avec lesquels il va prendre ses distances. L'homme a besoin de repères, de balises pour construire son identité et se façonner une vie à sa mesure et à son image.Pour avancer, j'ai eu besoin d'admirer des personnes connues (de moi) et moins connues (de moi).Lorsque je tisse des liens entre toutes ces personnalités, de fil en aiguille, je compose un canevas au travers duquel se matérialise ce que je suis. Je vais compter jusqu'à trois et démultiplier ainsi les fils qui composent mon tissage admiratif. UN... Woody Allen. Mon attrait pour lui repose sur l'omniprésence de la littérature dans son œuvre, le jazz et la musique classique qui sont deux styles que j'affectionne, et l'analyse de l'âme humaine et de sa destinée.Woody Allen, comme de nombreux romanciers, s'amuse à brouiller les pistes. A l'instar de Diderot dans Jacques le fataliste, ou Calvino dans Si par une nuit d'hiver un voyageur, ou encore Lawrence Sterne dans Tristram Shandy, Woody Allen brise l'illusion référentielle. Dans Whatever works ou Anything Else, le protagoniste s'arrête et parle à la caméra (et par ricochets) aux spectateurs. Dans La Rose Pourpre du Caire, Woody Allen va plus loin: il mélange fiction et réalité et intègre le concept de la mise en abyme (le cinéma dans le cinéma,...) Ces procédés, des romanciers l'ont effectué avant lui: Aragon avec La Mise à mort, Cervantès avec Don Quichotte. On peut aussi concevoir La Rose Pourpre du Caire comme une réécriture de Madame Bovary de Flaubert.Le film Manhattan est à la fois un éloge de la ville et une analyse détaillée de l'esprit humain et du rapport de soi à l'autre. La ville apparait également comme un personnage à part entière, comme une femme. Traçons un segment alors de Manhattan à Alexandrie. Quand je pense à Alexandrie, me vient à l'idée le roman Justine de Lawrence Durrell où la femme et la ville en font plus qu'un. Cette fusion se retrouve à l'identique chez Aragon qui associe Paris à Elsa notamment dans son recueil: Il ne m'est Paris que d'Elsa. Paris prend également une place importante dans son roman surréaliste Le Paysan de Paris.Ensuite, l'analyse fouillée de l'intériorité de l'être, le traitement de la communicabilité imparfaite entre les hommes sont caractéristiques de l'écriture de Proust et de sa Recherche. DEUX... Louis Aragon. Romancier, poète, essayiste, journaliste... qui s'est beaucoup intéressé à la frontière entre réalité et la fiction, au motif de la représentation en littérature ainsi qu'à l'intertextualité. Cette intertextualité permanente chez Aragon insiste sur l'idée que tout ce qui compose l'être humain est toujours référencé. L'homme ne semble alors qu'être un labyrinthe de miroirs, un caléidoscope. L'œuvre d'Aragon regroupe tout ce qui m'intéresse: le lyrisme bucolique (Les yeux d'Elsa), l'engagement (La Diane Française, Le Crève-coeur), la mythologie (Le Paysan de Paris; La Mise à mort), le langage et la communication (Blanche ou l'oubli; Anicet ou le panorama; je n'ai jamais appris à écrire ou les Incipit), ses chansons désabusées (Il n' y a pas d'amour heureux) Aragon demeure intemporel car il a quasiment balayé tout le XX° et que ses choix artistiques ont été vraiment éclectiques. de ce pilier littéraire, s'échafaudent de nombreux temples encore où je me réfugie pour y vouer d'autres cultes. TROIS... Les années 1950/1960. Cette période constitue une sorte d'âge d'or. Comme l'explique Woody Allen dans Minuit à Paris, l'âge d'or est une période idéalisée durant laquelle on aurait aimé vivre et qui nécessairement nous a précédés. L'idéalisation a lieu car il s'agit d'un rendez-vous manqué, d'une naissance après-coup. L'âge d'or provoque une sorte de mélancolie proustienne et paradoxalement une nostalgie virtuelle. Fascinée par Marilyn Monroe, Audrey Hepburn, Anne Baxter, Rita Hayworth... J'aime leur élégance mutine comme j'aime la grâce et la fausse candeur des actrices de la Nouvelle Vague, des films de Truffaut et des films d'Hitchcock. Forcément l'image ultra-contemporaine qui s'impose ici et que j'adore: c'est Elodie Frégé. L'album La Fille de l'après-midi conçu comme un long-métrage  s'inscrit dans la tendance Nouvelle Vague alors que son dernier opus Amuse bouches s'apparente à un hommage aux pinups des années 1950. Pour boucler la boucle, rappelons qu'Elodie Frégé a repris une chanson d'Aragon, Il n'y a pas d'amour heureux et que son titre Paris est un éloge et un guide touristico-lyrique de la ville comme on peut le retrouver dans Le Paysan de Paris du même Aragon...[parenthèse: les chansons d'Elodie rappellent aussi les nouvelles modernistes de Katherine Mansfield où tout élément détient une symbolique érotique forte. Cette érotisation se retrouve chez Aragon (Le Con d'Irène, Le Paysan de Paris) , se traduit chez Woody Allen par une hypersexualisation des personnages féminins (Manhattan, To Rome with love, Hannah et ses sœurs, Vicky Cristina Barcelona...). Je ne déroulerai pas le filon Mansfield qui me ferait parler de Virginia Woolf, qui, dans les Vagues ou Mrs Dalloway, évoque l'incommunicabilité proustienne entre les êtres. Mrs Dalloway a été brillamment réinvesti au cinéma dans The hours... Bref. Tant de fils d'Ariane encore à dérouler...] SOLEIL... J'ai admiré un enseignant universitaire. Il a été mon mentor -sans le savoir et de façon tout à fait inconsciente-. Il m'a donné goût à la linguistique, aux sciences du langage. Hormis cette admiration que je lui ai vouée, de ce même attachement au langage et à la communication que nous avions en commun, je viens de découvrir qu'il était un admirateur de Louis Aragon. Comme quoi...   *

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