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Et Beethoven se mit à danser la salsa…

Publié le 24 juin 2013 par Jean-Luc Crucifix @jlcrcfx

Orquesta Latino Caribeña Simón Bolívar

De la belle visite dans ma ville de Mérida, hier soir : l’Orquesta Latino Caribeña Simón Bolívar offrait un concert dans le cadre de la Foire internationale du livre universitaire. Et quel concert ! Il n’est pas courant de recevoir en province un ensemble de plus de 20 musiciens, une espèce d’hybride entre un big band de jazz et un grand orchestre de salsa.

L’Orquesta Latino Caribeña Simón Bolívar fait partie du Sistema, programme d’éducation musicale développé au Venezuela qui comprend 125 orchestres de jeunes à travers le pays et supervise les programmes de formation instrumentale qui les accompagnent. 250.000 enfants vénézuéliens fréquentent ses écoles de musique, dont l’un des objectifs principaux est de favoriser l’insertion de jeunes issus de milieux socio-économiques défavorisés.

Il faut imaginer le Sistema comme une grande pyramide de milliers de jeunes musiciens, dont le sommet est constitué par l’Orchestre symphonique des jeunes du Venezuela Simón Bolívar, que dirige Gustavo Dudamel. Même si la formation donnée est académique, le Sistema ne se limite pas à la musique dite classique. Il comprend aussi des orchestres de musique populaire. Tel est le cas de l’Orquesta Latino Caribeña Simón Bolívar (dont le nom de Simón Bolívar en appendice vient souligner le caractère officiel de l’ensemble).

Sur les chapeaux de roue

Le concert a débuté sur les chapeaux de roue avec Cinco salsa, una salsa librement inspirée de la Cinquième symphonie de Beethoven, revue et arrangée par le compositeur norvégien Sverre Indris Joner. Franchement jubilatoire, jugez-en.

Ce fut ensuite le tour de Caballo viejo, la célèbre chanson  de Simón Díaz, dans une interprétation tout aussi débordante de "salsa" et de jazz latino. Le concert était lancé.

Après ces instrumentaux, entrée en scène des chanteurs et chanteuses -cinq en tout. Tour à tour, ils nous ont emmené dans un voyage musical qui nous a conduit successivement en Colombie, à Cuba, en Argentine, au Mexique, à Porto Rico et en République dominicaine, histoire de nous montrer (mais on le savait !) que l’Amérique latine est bien le creuset des musiques les plus excitantes.

Orquesta Latino Caribeña Simón Bolìvar

La Orquesta Latino Caribeña Simón Bolìvar

Cuba encore, avec trois chansons phares (successivement de La Lupe, Gloria Estefán y Celia Cruz) interprétées par les trois chanteuses de l’ensemble; puis les inévitables boléros, romantiques à souhait, histoire de calmer quelque peu les esprits et les corps échauffés.

Un chapitre tout entier est alors consacré à Rubén Blades, présenté comme le plus grand conteur de la musique latina. L’orchestre avait d’ailleurs eu l’honneur d’accompagner Rubén Blades en personne lors de son dernier concert à Caracas, en juillet 2012. Quant à nous, nous avons eu droit à une envoûtante version de Pedro Navaja et à un convaincant Decisiones.

Et pour conclure ce périple musical latino-américain, quelques pièces de salsa vénézuélienne ont terminé de chauffer le public à blanc, grâce notamment à un solo de timbales époustouflant.

Du beau travail donc, par des musiciens qui dominent excellemment leur instrument, formation académique oblige. Pour ma part, j’ai préféré la première partie instrumentale, qui fleurait bon le jazz et laissait de belles parties improvisées aux solistes. Le public, lui, s’est plutôt enflammé pour les interprétations de grandes chansons du répertoire latino-américain, qu’il n’hésitait pas à reprendre en chœur (tout en dansant, pour quelques-uns).

Excellence musicale

Orquesta Latino Caribeña Simón Bolívar

De la salsa plein les oreilles

On pourrait discuter sur le concept de ces groupes et orchestres qui, financés par des fonds gouvernementaux, sont censés représenter officiellement le Venezuela à l’extérieur et le gouvernement à l’intérieur. Cela rappelle indéniablement certains précédents dans les pays de l’ex-bloc soviétique, dont Cuba.

Ainsi, tout au long du concert, j’ai craint que certains dérapages du côté de la propagande gouvernementale ne viennent entâcher l’ouvrage. Mais non, rien de tout cela, c’est l’excellence musicale qui a prévalu du début à la fin. Le groupe interprète d’ailleurs des chansons d’anticastristes déclarées, comme Celia Cruz et Gloria Estefan. Et lorsque, en plus,  je me suis aperçu que l’une des chanteuses (au moins) tweetait résolument en faveur de l’opposition, je me suis dit que non, cet orchestre n’est pas un club fermé pro-gouvernemental…

Tant mieux pour les amateurs de salsa bien dégoulinante, laquelle, bien que rouge, n’a pas de couleur politique prédéfinie.

El Sistema-France
Saviez-vous que le Sistema vénézuélien a une "succursale" en France ? Il s’agit de l’association El Sistema-France, dont l’objectif est le "développement d’un programme d’aide sociale aux enfants et aux jeunes en difficultés, basé sur l’apprentissage collectif de la musique et du chant et reposant sur le répertoire classique". L’association se propose de "lever des fonds auprès des collectivités, entreprises privées, fondations et particuliers, toutes convaincues que l’éducation par l’art sert la cause de l’enfance et de la jeunesse défavorisée", et de "mettre en place une structure pérenne avec une équipe de permanents hautement qualifiés et d’experts bénévoles par régions."

Pour plus d’informations : El Sistema-France


Classé dans:Artistique, Créatif, Dansant, Musical Tagged: Amérique latine, Beethoven, jazz, jazz latino, latin jazz, musique, musique du Venezuela, musique populaire, salsa

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