Gonzalo González Cobreces
Il est de ces personnages qui, placés devant des circonstances exceptionnelles, ont eu une trajectoire tout aussi exceptionnelle. Gonzalo González Cobreces est de ceux-là. D’origine espagnole, ce missionnaire dominicain a d’abord travaillé au Japon et aux Philippines avant de s’installer à Elorza, petite localité située au fin fond des Llanos du Venezuela, non loin de la frontière colombienne. Il y arriva en 1964.
Il fut pendant des années le curé de la paroisse San José d’Elorza. Mais dans cette municipalité plus grande qu’un département français (12.000 km2), il devait aussi s’occuper des villages et communautés avoisinantes, comme La Estacada, La Trinidad de Orichuna, Puerto Infante et la grande région du Capanaparo, là où habitaient plusieurs milliers d’indiens des ethnies Pumé et Cuiba.
Indiens et colons se partageaient ce vaste territoire, ce qui n’allait pas sans créer des conflits, car les seconds s’appropriaient tout simplement des terres des premiers. Privés de leurs ressources de pêche et de chasse, les Indiens ne pouvaient espérer, au mieux, que travailler au service des colons, dans une relation qui tenait quasiment de l’esclavage.
Dans les esprits
Mais le pire était dans les esprits : les colons criollos ne considéraient tout simple ment pas les Indiens comme des êtres humains et s’attribuaient sur eux tous les droits, y compris celui de vie ou de mort. Pour preuve, un verbe était d’usage dans le vocabulaire des colons locaux : "cuibear", pour signifier "aller à la chasse au Cuiba", comme s’il s’agissait de vulgaire gibier.
Face à cette réalité, le père Gonzalo González prit résolument la défense des indiens Pumé y Cuiba, et tout spécialement des communautés de Carabalí et Barranco Yopal, contre les abus des grands propriétaires. En 1967 –c’était hier–, un massacre eut lieu dans la région, à la Rubiera : attirés dans un guet-apens (un repas et une fête où on leur avait promis des cadeaux), 16 indiens Cuibas furent tués à bout portant, puis leurs corps incinérés. Seuls deux d’entre eux réussirent à s’échapper.
Le père González se porta immédiatement à la défense de la communauté Cuiba et témoigna aux côtés des deux rescapés lors du procès qui s’ensuivit cinq années plus tard, en Colombie. Ce fut en vain, car les six accusés furent relâchés. Pour leur défense, ils avaient invoqué cet argument qui en dit long : "Nous ne pensions pas que tuer des Indiens était mauvais ".
Aumonier de la garnison
À peine le nouveau commandant installé, Gonzalo González et Hugo Chávez se lient aussitôt d’amitié. Ils partagent une même sensibilité pour les petites gens, les laissés pour comptes, ainsi que pour les Indiens.
Le fait le plus marquant de cette relation réciproque se produit quelque temps plus tard… dans un confessionnal ! Hugo Chávez y confie à l’aumonier qu’il planifie un coup d’État et lui demande un conseil spirituel. Gonzalo González, plus utilitariste que défenseur des vertus chrétiennes, lui répond que si c’est pour le bien du plus grand nombre, il n’y a aucun empêchement à le faire… On connaît la suite.
Le premier chaviste
Plus tard, lors d’un de ses programmes télévisés Aló Presidente, Hugo Chávez fera le récit de cette confession et citera Gonzalo González comme un grand ami et un prêtre des pauvres. Le secret de la confession ne tenait plus. Dès lors, les années passant, Gonzalo González ne craint plus de dire qu’il fut le "premier chaviste" !
Aujourd’hui retiré des ordres, Gonzalo González vit toujours à Elorza. Entretemps, il s’est marié, a eu un fils, s’est lancé dans l’apiculture. À plus de 80 ans, il reste ce grand humaniste qui a marqué la région de son empreinte de personne intègre, de défenseur de ceux qui apparaissent encore aux yeux de beaucoup comme des hommes de deuxième catégorie. Il reste aussi ce fervent admirateur d’Hugo Chávez, à qui, il y a quelques mois encore, il a offert de la propolis récoltée par ses soins, en espérant que ce remède naturel le guérirait du cancer.
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