Celui que la lumière des sous-bois attire irrépressiblement / Celle qui aime être prise de boisson mais sans être vraiment bourrée / Ceux qu'insupporte l'idée de passer un jour sans écrire un poème ou une sentence genre Sénèque avant le mélancolique dénouement des veines ouvertes dans l'eau chaude / Celui qui a souvent pensé partir mais en est toujours revenu avant / Celle qui devient neige quand il neige et volcan quand tu sais y faire / Ceux qui ne pensent à leurs enfants que pour qu'ils leur en fassent qui pensent à en faire d'autres genre Ancien Testament et autres écrits tribaux assez déprimants / Celui qui refuse à jouer l'animal de compagnie de sa mère américaine ou juive ou napolitaine ou bantoue / Celle que hante le désir d'un nouveau chapeau ou (selon la génération) d'un boy friend maori au dos rituellement tatoué / Ceux qui répondent à l'appel de l'inconnu sans lui demander son orientation sexuelle selon les Accords de Kyoto / Celui qui regarde le pétard de sa fille Marie-Clotilde et se demande s'il doit regretter qu'elle n'ait plus trois ans / Celle qui a vu le zob de son père aux douches du tennis et l'appelle la péniche sans penser à mal ni à contre-courant du canal / Ceux qui citent volontiers Lacan pour montrer à quel point ils sont au-dessus de chat / Celui qui se concentre sur sa forme à coup de pompes / Celle qui offre un fouet à neuf queues à son fils dont son nouveau patron - un Monsieur Jupien - lui a fait une liste d'outils indispensables à l'exercice de sa profession dans une maison / Ceux qui se sont réalisés dans l'ornement esthétique SM sur porcelaine / Celui qui les préfère avec un fond de teint crème qui les fasse sans âge / Celle qui s'est fait tartir vingt ans auprès de celui qui a demandé un jour sa main avec la politesse de son milieu instruit et libéré / Ceux qui avaient disparu vingt ans durant avant de partir pour de bon / Celui qui ne porte jamais deux cravates à la fois en dépit de ses pulsions folâtres / Celle qui a pris conscience cette nuit que son oreiller était plein de plumes d'oiseaux qui n'auront jamais dormi en volant / Ceux qui voient loin dans l'avenir sans distinguer précisément ce qu'il y a au bout tout là-bas / Celui qui a toujours eu l'impression qu'un gardien en uniforme olive tournait la tête vers eux quand il risquait une main sur l'épaule d'albâtre (enfin genre albâtre) de son épouse légitime née Bouvier des Tranchées / Celle qui n'a jamais trouvé de magazine olé olé sous les pyjamas de son père / Ceux qui ne tendent qu'à biaiser quand on leur demande ce qu'ils ont fait dans l'ascenseur arrêté si longtemps / Celui qui boit des Cocas allégés sans craindre de baiser niveau zéro / Celle qui s'est fait tout enlever pour ne plus y penser / Ceux qui vont au jardin zoologique afin de voir les beaux animaux avant de rentrer chez eux pour faire ce que ceux-là font sans y penser, etc.
Peinture: Pierre Bonnard.