Né en 1844, Louis Varney descend d’une famille de musiciens et son père, Alphonse Varney s’était fait apprécier comme chef d’orchestre. Le jeune Louis écrit des ballets et des opérettes qui obtiennent, pour certains, un notable succès. Mais jamais il ne retrouvera, dans la suite de sa carrière, le triomphe qui avait accueilli en 1880 Les Mousquetaires au couvent, ouvrage créé aux Bouffes-Parisiens le 16 mars. Il faut dire que le livret, particulièrement fantaisiste, contenait des personnages propres à déclencher l’hilarité.
D’abord, un abbé de campagne, l’abbé Bridaine, crédule et comique malgré lui ; ensuite, un mousquetaire au langage plus que hardi et aux manières peu orthodoxes, M. de Brissac ; un autre mousquetaire, plus sentimental et plus « civilisé », M ; de Solanges ; une supérieure de couvent, tellement naïve qu’elle en devient parfois niaise ; deux jeunes pensionnaires dont l’une est un peu trop délurée pour son âge et l’autre plus réservée ; enfin, une servante d’auberge qui n’a pas froid aux yeux et toujours prête à secourir les amoureux quand ils ont besoin de son aide. Savoureux cocktail que la partition, pimpante et enlevée, ornée d’airs faciles et bien envoyés, met généreusement en valeur.
En 1880, Offenbach n’a plus que quelques mois à vivre. Sa Fille du tambour-major triomphe sur la scène des Folies-Dramatiques, sept ans après La Fille de Madame Angot de Lecoq. Les représentations des Mousquetaires vont se poursuivre avec le plus grand succès, éclipsant totalement les autres œuvres du compositeur qui mourra en 1908.
Cette opérette n’a pas l’élégance et la finesse de Véronique ; au contraire, elle est d’une truculence bien « gauloise », et c’est ce qui fait tout son charme et son intérêt. Elle n’a d’autre but que celui de divertir et de faire rire. C’est déjà énorme. Et elle y parvient. Le comique est parfois un peu lourd, et facile, mais qu’importe ? On se laisse prendre à la verve et à la joyeuse insolence de ces mousquetaires, prêts à tout braver pour assurer la réussite de leurs amours. Certains airs sont restés à jamais dans les mémoires comme celui de Brissac « pour faire un brave mousquetaire » ou le sermon du même Brissac, déguisé en moine et fin saoul, dans lequel il célèbre devant les religieuses l’amour profane « aimons-nous les uns les autres… ».
Que reste-t-il aujourd’hui de ces mousquetaires ? On ne les voit plus tellement à l’affiche, et c’est bien dommage. Le 21ème siècle ne saurait-il plus apprécier la franche gaieté ?... Mais peut-être continuent-ils leur petit bonhomme de chemin, sans se faire remarquer ; on le leur souhaite.
ARGUMENT : Sous le règne de Louis XIII, à Vouvray.
ACTE I – La cour de l’hostellerie « Le Mousquetaire gris ».
Mousquetaires et bourgeois trinquent joyeusement, servis par le patron, le sieur Pichard, assisté de sa servante Simone. Mais l’arrivée de deux fleuristes et deux pâtissières qui viennent proposer leur marchandise va tout à coup faire dégénérer cette bonne humeur en querelle, à cause des mousquetaires qui n’ont rien de plus pressé à faire que de commencer à séduire les deux filles. Simone intervient et calme tout le monde. On apprend par les bavardages qui ont repris que le gouverneur de la Touraine, le comte de Pontcourlay, revient ce jour de La Rochelle où l’avait appelé le cardinal de Richelieu, son puissant protecteur.
Entre l’abbé Bridaine ; il demande un certain Narcisse de Brissac, capitaine des mousquetaires et très mauvais sujet qui l’a appelé au secours d’un de ses anciens élèves, Gontran de Solanges. Brissac informe l’abbé du problème : Gontran est amoureux au point d’avoir abandonné toute gaieté, ce qui ne convient pas à un mousquetaire. Sommé par ses deux amis de révéler le nom de la coupable, le jeune homme refuse d’abord, puis reproche à l’abbé de lui avoir fait un portait trop idéal de Marie, la nièce du gouverneur ; sans cette insistance à vanter sa beauté et son charme, il ne s’en serait pas épris. Gontran supplie l’abbé de porter une lettre à Marie au couvent des Ursulines afin qu’elle se prépare à un enlèvement en règle. Evidemment, l’abbé est horrifié et préfère s’engager à parler au gouverneur.
Voilà ce dernier qui arrive : il prend l’abbé à part et le charge d’aller au couvent des Ursulines persuader Marie et sa sœur Louise de prendre le voile dans deux jours. Bridaine essaie bien de le faire changer d’avis mais c’est impossible : l’ordre vient du Cardinal lui-même pour des raisons de haute politique. Ce sera ça, point final.
Pendant ce temps, l’aubergiste tente de se débarrasser de deux moines de mauvaise mine qui lui demandent l’hospitalité, gratuite bien entendu. Le gouverneur intervient et leur fait donner la meilleure chambre en précisant qu’il prend en charge la dépense ; en échange il leur demande d’aller prêcher au couvent des Ursulines la bonne parole à ses nièces. Exit le gouverneur.
Bridaine apprend à Brissac et Solanges l’échec de sa mission. Gontran est prêt à mettre le feu au couvent quand Brissac intercepte Simone qui porte à manger aux moines mais renonce à rentrer dans la chambre parce qu’ils ont quitté leur robe et dorment profondément. Brissac prend le plateau, Gontran les bouteilles et font le service à sa place. Peu après ils ressortent de la chambre déguisés en moines et bénissent la foule. Mais avant de partir, Brissac se fait reconnaître du sergent Rigobert et le charge de poster quatre mousquetaires à la porte des dormeurs avec ordre de ne les laisser sortir sous aucun prétexte.
ACTE II – Une salle d’étude du couvent des Ursulines. Les pensionnaires semblent prendre très à la légère la leçon de sœur Opportune. Ces demoiselles pensent à tout sauf à ce qu’on leur enseigne. Entre la supérieure qui annonce l’arrivée de deux éminents prédicateurs et engage les jeunes filles à faire leur examen de conscience. Restées seules, les filles se concertent : et tandis que Marie avoue ingénument son amour pour un « beau capitaine », sa sœur Louise et les autres avouent toute une kyrielle de péchés véniels, inventés pour la plupart.
La supérieure revient pour présenter les faux moines. Gontran s’arrange pour adresser quelques mots à Marie ; Brissac s’inquiète surtout du déjeuner et les religieuses étant sorties sans l’inviter, il fouille les pupitres à la recherche d’un en-cas. Il n’y trouve que des papiers et la « confession » de Marie, qui enchante Gontran
La supérieure revient et s’excuse : elle avait bienpensé à offrir à déjeuner à ses hôtes mais s’est souvenue qu’en temps de Vigile, le jeûne était de règle pour les religieux. On ne leur servira donc que du pain et de l’eau. Brissac approuve hypocritement et ajoute qu’en cas de force majeure, et un prêche en est un, il sait se faire violence. La supérieure conduit les deux hommes au réfectoire. Louise en profite pour se cacher sous le bureau de sœur Opportune d’où elle compte observer l’entretien entre sa sœur et Bridaine. Mais l’abbé la découvre, la traite de curieuse ; elle proteste en lui déballant tous les ragots du couvent. Il l’éloigne avant l’arrivée de Marie.
L’abbé ne cache pas à Marie que Gontran l’aime mais lui affirme qu’elle doit le décourager car il est prêt à faire une bêtise qui peut lui coûter très cher. Elle accepte d’écrire une lettre de rupture que Bridaine empoche, pas très fier de lui. Un des faux moines entre et il lui demande de consoler Marie ; ms reconnaissant Gontran, il fait sortir Marie et donne au jeune homme la lettre écrite quelques minutes auparavant ; désespoir de Gontran : Marie ne l’aime plus ; mais il ne comprend plus : et cette « confession » trouvée dans le pupitre de Marie, qui dit exactement le contraire ? Gontran commence à douter de la bonne foi de Bridaine quand rentre Brissac, serrant sur son cœur un bocal d’eau-de-vie de prune : il est ivre mort. Il prétend prononcer le sermon promis et malgré les efforts de Bridaine et de Gontran pour le faire taire, célèbre gaillardement l’amour profane devant les religieuses horrifiées et les pensionnaires déchaînées. Le rideau tombe sur un chahut absolument indescriptible.
ACTE III – Une cour qui touche le couvent sans en faire partie. Un arbre étend ses branches au-dessus du mur qui prolonge le pavillon du jardinier. On entend le chœur des mousquetaires venus aux nouvelles ; ils sont devant la porte du couvent. Bridaine sort du pavillon, ouvre le guichet et le referme en voyant le sergent Rigobert. Mais Gontran, qui l’a suivi, rouvre le guichet, rassure le sous-officier et lui donne rendez-vous dans les bois, avec des chevaux, dans une heure. Bridaine le force à rentrer dans le pavillon et pour plus de sûreté, en ferme la porte à clef.
Arrivée de sœur Opportune et des pensionnaires.Marie n’est pas parmi elles ; Bridaine demande à la sœur de le conduire vers elle. Restées seules, les pensionnaires discutent et Louise prêche la révolte mais sa harangue est interrompue par la voix de Brissac, qui apparait à l’œil-de-bœuf au-dessus de la porte du pavillon. Il entame avec Louise un dialogue fort édifiant, interrompu à son tour par le retour de sœur Opportune accompagnée de la supérieure. Cette dernière congédie Louise et se laisse convaincre par les piteuses explications de Bridaine visant à excuser la conduite de Brissac. Elle sort et Bridaine va ouvrir la porte du pavillon d’où surgit Brissac en tenue militaire. Une visite inattendue l’oblige à se cacher derrière un arbre ; c’est Simone qui vient demander des instructions concernant les deux moines tout nus enfermés dans leur chambre. Brissac se fait reconnaître et Gontran, qui est lui aussi sorti entre-temps, en profite pour charger Simone d’un message pour Marie. Les deux mousquetaires réendossent leur habit de moine pour prendre congé de la supérieure. Cette dernière se récrie : partir maintenant alors que le Cardinal doit arriver demain ! Pour les militaires en situation irrégulière, c’est une raison de plus pour prendre le large rapidement, bien que Gontran attende la réponse de Marie ; justement, Simone revient suivie de Marie. Elle est prête à suivre Gontran ; Louise ne s’y oppose pas à condition que Brissac l’enlève aussi, lequel est tout à fait d’accord. Avec l’aide de Simone, on dresse une échelle contre le mur mais voilà que Bridaine revient ! Les jeunes gens se cachent dans le pavillon. Voyant l’échelle, l’abbé croit qu’ils ont pris la fuite avec les deux jeunes filles et se lance à leur poursuite en gravissant l’échelle, que Simone enlève prestement dès qu’il est à califourchon sur le mur.
Situation plutôt ridicule pour l’abbé, et cela d’autant plus que le gouverneur arrive, assisté d’une forte escorte. Il réclame les deux moines qui n’étaient en fait que des malandrins payés pour assassiner le Cardinal de Richelieu. L’apparition de Brissac et Gontran dissipe tous les malentendus et le gouverneur ne peut rien moins que les récompenser pour avoir enfermé les deux faux moines. Leur récompense, ce sera la main de Louise pour l’un et celle de Marie pour l’autre.
PS : Vous l’avez constaté, l’explication de l’argument est fort longue ; mais le livret fourmille de tant de détails importants qu’on peut difficilement simplifier sans rendre ce synopsis incompréhensible.
VIDEOS :
1 - Acte I (intégral
2 - Acte II - final
3 - Acte II (fin) - Une autre interprétation... divertissante...