Si je vous dis de dessiner un coquillage, qu’allez-vous réaliser ? Une moule, un bulot, une coque, une coquille Saint-Jacques ?
Fraîchement de retour de vacances, sur la plage abandonnée, coquillages et crustacées, je me suis demandée d’où venait ce monopole de la coquille Saint-Jacques lorsqu’on pense au concept de coquillage. Les intellos que je vois se tortiller au fond de la salle vont sans aucun doute vouloir citer ce ô combien célèbre théorie de l’Acteur-Réseau qu’on appelle aussi sociologie de la traduction, pour laquelle Michel Callon avait pris pour exemple pratique La domestication des coquilles Saint-Jacques dans la Baie de Saint-Brieuc. Si vous avez envie, vous pouvez aussi lire Michel Callon et Michel Ferrary « Les réseaux sociaux à l’aune de la théorie de l’acteur-réseau », Sociologies pratiques 2/2006 (n° 13), p. 37-44. disponible sur cairn.info.
Maintenant qu’on a cité Michel Callon, passons aux choses sérieuses.
Shell, I’m gonna live forever
Voilà un jeu de mot bien pourri pour introduire mon propos, j’en suis particulièrement fière. Pourtant Irene Cara ne m’en voudra pas car bien que j’écrive ce billet tard dans la nuit, le sujet en est tout à fait sérieux.
Shell est une compagnie pétrolière, quand on se rappelle d’Erika il est peu croyable que son emblème soit une coquillage bivalve. Shell, littéralement est un terme générique, il ne désigne pas directement la coquille Saint-Jacques.
Le logo de la compagnie Shell à travers les âges
L’histoire des huîtres par tweedle dee et tweedle dum
C’est un indice, pourtant l’huître a aussi une belle place dans notre imaginaire collectif. Le film d’animation Alice aux pays des merveilles donne un bel aperçu de conte où l’huître (un peu idiote, cf. l’expression avoir un QI d’huître) est représentée. C’est même l’héroïne.
La naissance de Venus, Sandro Botticelli
Mais une référence culturelle incontestable et inconsciente ne se fait pas en 50 ans. Il faut creuser plus profondément. J’ai donc remonté le temps jusqu’au XVe siècle, où l’Italie est en pleine Renaissance. Les intellos au fond de la salle appellent cela le Quattrocento, et ils s’étonnent de se souvenir encore de ce mot 4 ans après l’avoir appris.
Voici donc une image bien célèbre que certaines personnes retrouvent imprimés sur le fond de leur plateau repas en plastique acheté au bazar du coin. Ici vous pouvez voir la déesse Vénus debout sur une coquille Saint-Jacques ouverte et vide. Je vous laisse au passage imaginer la taille de la noix de Saint-Jacques qui devait sans doute être aussi volumineuse qu’un petit mouton.
Cette image est une véritable référence. On la voit à toutes les sauces dans tous les cours d’histoire de l’art, dans des centaines d’illustration de la beauté, de la jeunesse et j’en passe.
Sandro Botticelli, La naissance de Vénus, 184,5 × 285,5 cm, tempera, Galerie des Offices, Florence (Italie)
Pèlerinage de Saint-Jacques de Compostelle
Le pèlerinage de Saint-Jacques de Compostelle est un des plus connus. Durant le Moyen-Âge, les pèlerins étaient composés de personnes pauvres habillés de peu. La noix de Saint-Jacques attachés à leur vêtement leur permettait de s’identifier entre eux et aussi de porter un signe d’avoir accompli le pèlerinage. Mais à l’origine, les coquilles Saint-Jacques servaient en fait de genouillère à ces croyants qui parcouraient des trajets sur les genoux. La coquille est devenu un véritable symbole extrêmement diffusé. Il n’est plus si étonnant qu’on pense à la forme de Pecten Maximus lorsqu’il s’agit de dessiner un coquillage.
Pourtant, la Saint-Jacques a de quoi s’inquiéter. La coque a une forme assez semblable et on la trouve tellement facilement sur les plages que la plupart des enfants la connaissent certainement mieux que la Saint-Jacques.
Et qu’en est-il du coquillage de baptême ?
Une coquille Saint-Jacques sculptée sur la façade de la cathédrale de Saint-Jacques de Compostelle, source : http://www.jdiezarnal.com/public/santiagodecompostela.html via Wikipedia.org (consulté le 25 août 2013)
Les photographies de coquillages et de mollusques pour l’étude scientifique
Pour finir, j’aimerais vous partager cette petite trouvaille faite dans Gallica.
Photographie de coquillages et de mollusques, 1928, Bibliothèque nationale de France, département Société de Géographie
Photographie de coquillages et de mollusques, 1928, Bibliothèque nationale de France, département Société de Géographie