un dimanche de partageux

Publié le 08 septembre 2013 par Despasperdus

L'ami Partageux nous a transmis un article de La Dépêche dont le titre est le suivant :

« La décision du préfet de fermer les supermarchés le dimanche ne fait pas l'unanimité »

La plumitive a fait preuve d'une certaine habileté. A priori, tout semble conforme aux attentes des annonceurs et publicitaires. Ainsi, dans la première partie de l'article, elle remplit son contrat avec des témoignages qui dénoncent la fin du travail dominical : la technique du micro-trottoir est formidable. Je ne sais si elle a réellement interviewé les personnes qui s'expriment ou tout inventé, mais toujours est-il que ça attaque dur ! J'imagine le rédacteur en chef qui l'a lu en diagonal et qui s'est régalé en pensant à la satisfaction de ses partenaires Intercarefour, Aupré, bricomerlin et bidules qui le fournissent en pubs et en blé.

L'article commence ainsi :

« Étonnement, incompréhension. Les clients des supermarchés ouverts le dimanche tombent des nus. À partir du 1er octobre, les commerces alimentaires de plus de 400 m2 n’ouvriront plus le dimanche matin. Décision [1] prise par le préfet de Haute-Garonne, Henri-Michel Comet, au terme d’un long bras de fer administratif avec les salariés, les élus, les organisations syndicales. »

La journaliste donne la parole aux consommateurs et c'est la draaaaame :

« Comment je vais faire ? (...) Alors, sans le supermarché ouvert le dimanche, comment je vais faire ? »

COMMENT JE VAIS FAIRE ? Les arguments de ces consommateurs sont tirés par les cheveux. Quand on a le nez dans le guidon, qui plus est dans une ambiance où l'individualisme prime, il n'est pas évident de changer ses habitudes et se réorganiser ou voir plus loin que le bout de son nez en pensant à celles et ceux qui pâtissent du travail dominical. Tout ça sent le vécu coco ! C'est tellement basique que la suite de l'article surprend agréablement...

En effet, la journaliste donne la parole aux salariés dans la deuxième et dernière partie de l'article :

« Vous savez, je ne suis pas payée plus, alors ne pas bosser, je préférais». La plupart des employés qui travaillent le dimanche sont des étudiants. «Ils sont très inquiets, révèle une employée d’Intermarché. Ils n’ont été embauchés que pour le dimanche. Alors avec la fermeture, ils ne savent pas encore ce qu’ils vont devenir.» Et de poursuivre : «En revanche, les autres employés sont assez contents. Ils vont pouvoir profiter de leur vie de famille ! »

La journaliste laisse apparaître en filigrane l'exploitation des salariés contraints de bosser le dimanche sans gagner plus, la précarité des étudiant-e-s et l'opposition des salariés non étudiants au travail dominical...

Je regrette que ces questions n'aient pas été développées, mais dans une société où le chômage de masse et la précarité sociale sévissent, même dans le journalisme, il faut parfois mettre de l'eau dans son vin rouge pour gagner son pain quotidien. Dans la presse, les rédactions sont devenues squelettiques, les pigistes et CDD sont payés au lance-pierres, des blogueurs acceptent même de collaborer en participant au remplissage pour leur gloire personnelle, tandis qu'une noblesse d'éditocrates surpayés veille à ce que la ligne éditoriale respecte les idéaux de l'idéologie néolibérale pour complaire à l'oligarchie et aux annonceurs qui maintiennent à bouts de bras des journaux nationaux et régionaux interchangeables, conformistes, et presque sans intérêt sauf quand un-e journaliste respecte apparemment les limites de la censure.

Note

[1] décision qui a fait l'objet d'un précédent billet : Mais que fait le gouvernement ?