Max | Rose des sables

Publié le 10 septembre 2013 par Aragon

L'Algérie à un poil près c'est cinq fois la France en superficie. Le Tassili n'Ajjer dans le grand Sud-Est saharien a plus de cent vingt mille kilomètres carrés de caillasses, de rochers, de dunes, de sable, de vent, d'ergs, de regs, de plein, de vide, de rien, de tout, de beauté absolue. Des aigles volent dans des cieux chargés parfois de "simoun", peints-ourlés de couleurs sidérantes, y vivent : lièvre des sables aux oreilles démesurées, vipère à cornes, gazelle, mouflon, homme bleu... Le Tassili est un désert vivant.

Il y eut des hommes qui vinrent dans ce désert, des hommes rapportés, des français, des militaires au départ, puis vinrent des cartographes, des géologues, des scientifiques accompagnés par ces militaires. Les savants partaient mission accomplie, les militaires restaient : Fort Polignac, Fort Gardel, Fort Flatters, Fort Charlet, bordjs magnifiques ou en chicots éparsés dans la pierraille. Ces hommes, ces français, ces militaires français du grand Sud algérien laissèrent très vite leur stature d'homme, de français, de militaire "ordinaire", ils devinrent touaregs, homme-targui.

Le désert me fascine depuis ma plus tendre enfance, la raison je la connais, elle est facile à dire : c'est Peyré. Joseph Peyré de Vicq Bieilh et son "Escadron blanc" écrit en 1931. Bouquin mille et une fois lu avant l'âge de douze ans, avec Jack London mon essentiel. Dans l'âme j'ai été aviateur, marin et méhariste. C'est chouette une âme ça permet de vivre et de rêver et rêver est sans nul doute la chose la plus importante du monde.

Par la suite dans ma carrière militaire j'ai rencontré Jean Le Jean adjudant de la coloniale, ancien méhariste, qui me parlait quand il m'invitait chez lui à Saint-Florentin (Yonne) de son temps passé à Ouargla, el-Goléa, In-Salah, Tamanrasset... Je buvais ses récits comme du petit-lait... de chamelle. Bien qu'il fut à la retraite il était toujours habillé en tenue méhariste, on prenait le thé assis par terre dans son salon, on ne quitte jamais le désert me disait-il, sauf quand on laisse sa vie... mais j'ai déjà parlé de lui dans ce blogue... Je pense à lui aussi ce soir...

Et voilà que je passe un après-midi - aujourd'hui - programmé chez mamie M., quatre-vingt-onze ans, la maman de mon pote de VTT Jean-Luc. Elle me disait depuis longtemps de passer chez elle prendre le thé justement. Son Lucien fut méhariste lui aussi, dans les années trente, elle m'en avait parlé, elle voulait absolument me montrer des photos, des croix du Sud, roses des sables, évoquer des souvenirs... Elle m'accueille, magnifique : dix ongles peints d'un beau violet, lèvres itou même couleur, et un super ensemble pantalon-veste chic en mohair... bleu-violet. On a parlé, jasé, elle était intarissable. Elle porte l'Algérie dans son coeur en parole et en couleurs. Elle m'a donné ces photos, et je suis reparti sur les traces de l'escadron blanc entre Fort Polignac et Bordj Tan Kena, aux marches de Libye. Le thé fut bon et chaud à Billère tout à l'heure, mais les souvenirs bien brûlants évoquant, faisant revivre, en cet après-midi d'automne béarnais ce si beau méhariste qui sentait bon le sable chaud qu'il découvrit à vingt ans, lui le titi parisien, qui, il y a bien longtemps avait fait chavirer le coeur de midinette de la petite et belle jeune fille de Tizi-Ouzou qu'elle était alors... On ne quitte jamais le désert !

http://souvenirssahariens2ecast.fr/22.htm

http://saharayro.free.fr/bordjs/forts00.htm