L’Hôtel de La Rochefoucauld-Doudeauville : un peu d’Italie rue de Varenne
Les Journées du Patrimoine auront lieu dans quelques jours, l’occasion pour nous d’inciter les lecteurs parisiens de Milanese Special Selection à visiter l’un des plus beaux endroits du VIIe arrondissement : l’Hôtel de La Rochefoucauld-Doudeauville, siège de l’ambassade d’Italie en France. Certes, il y a d’autres ambassades faubourg Saint-Germain (et d’autres résidences d’ambassadeurs magnifiques, comme l’Hôtel d’Avaray, 85, rue de Grenelle, résidence de l’ambassadeur du Royaume des Pays-Bas), cependant, il en est peu qui, à l’image de l’Hôtel de La Rochefoucauld-Doudeauville, présentent une telle diversité d’intérêts : architectural, historique, culturel, décoratif, illustrant les héritages respectifs des deux pays.
Construit en 1732 par l’architecte Jean Sylvain Cartaud, l’Hôtel de La Rochefoucauld-Doudeauville fut loué notamment à Raymond de Boisgelin de Cucé, archevêque d’Aix, académicien, député du clergé aux Etats généraux et président de la Constituante en 1790, d’où son ancien nom d’Hôtel de Boisgelin. « L’Hôtel, confisqué, nous apprend Jacques Hillairet dans son Dictionnaire historique des rues de Paris, eut ensuite d’autres propriétaires, dont le duc de La Rochefoucauld-Doudeauville (1765-1841), pair de France et ministre sous Charles X et le duc Sosthène de La Rochefoucauld, plus tard duc de Doudeauville, ambassadeur en Angleterre, qui négocia, en 1873, le retour du comte de Chambord, mais en plaidant pour le maintien du drapeau tricolore, et qui présida le Jockey-Club. Il y fit remonter une partie des boiseries du château de Bercy bâti par Le Vau et démoli en 1861″, aidé en cela par l’architecte Henri Parent (1819-1895) à qui l’on doit une première vague de modifications (notamment la surélévation du premier étage et les modifications de façade afférentes). La seconde fut décidée après le rachat de l’Hôtel par la Caisse des dépôts et consignations en 1937 et l’échange de baux emphytéotiques entre l’Italie et la France (qui devait permettre à cette dernière de loger son ambassade à Rome dans le grandiose palais Farnèse ; signalons au passage que l’ambassade d’Italie en France se situait précédemment dans l’Hôtel de Galliffet, siège actuel du Centre culturel italien). Acheté vide, l’Hôtel de La Rochefoucauld-Doudeauville fut alors remanié par Félix Bruneau, architecte des Bâtiments civils (qui fit notamment reconstruire les ailes sur cour), l’ameublement étant l’œuvre de deux hommes, Vittorio Cerruti (ambassadeur d’Italie en poste de 1935 à fin 1937) et Adolphe Loewi, antiquaire d’origine munichoise, grand spécialiste des antiquités vénitiennes. Il en résulte une célébration intégrale du génie italien à travers une suite de décors patiemment rassemblés dont le plus bel exemple revient peut-être aux toiles de Gian Antonio Guardi (frère de Francesco) illustrant La toilette de Vénus et placées dans la salle à manger.
Le grand escalier
Pour l’escalier d’honneur, l’architecte Henri Parent s’est inspiré de l’escalier de la Reine à Versailles. A noter, la ressemblance avec un autre escalier, celui de l’Hôtel de Matignon, commandé à peu près à la même époque. Les murs qui surplombent le grand escalier sont ornés de tapisseries des Gobelins réalisées entre 1740 et 1762 d’après Jean-François de Troy. Représentant l’Histoire d’Esther, elles proviendraient du pillage du Palais d’Eté de Pékin en 1860.
Le salon chinois
Mélange d’éléments de décor authentiques et de chinoiseries d’époque, le salon chinois imaginé par Adolphe Loewi rappelle l’esprit des riches demeures piémontaises du XVIIIe siècle. Le mobilier, quant à lui, est typiquement vénitien, à l’instar du canapé en laque jaune rehaussé de fleurettes, ex-palais Donà dalle Rose.
La bibliothèque
Transportée d’un palais de Vercelli, la bibliothèque telle qu’elle se présente aujourd’hui fit une apparition remarquée à l’Exposition du Baroque de Turin en 1937 avant de rejoindre son domicile actuel. Les lambris peints placés sous la cimaise, de même que la partie supérieure de la porte, sont dus à l’artiste piémontais Vittorio Amadeo Cignaroli (1730-1793) et figurent des scènes de vie champêtre.
Le grand salon
Relié au salon de la mappemonde, le grand salon abrite d’impressionnantes boiseries de style rocaille, inchangées depuis la construction de l’Hôtel. Au plafond, Junon, Cybèle, Vénus et Amphitrite symbolisent les Eléments. Comme dans les autres pièces, les dessus-de-porte ne sont pas des originaux, mais des copies, ici d’après Boucher.
Le salon de la mappemonde
Agencé par Henri Parent, ce salon aux boiseries reconstituées doit son nom à un magnifique globe terrestre italien du XVIIe siècle au piètement de bois doré. Au dessus des portes, quatre portraits en médaillon : Henri IV d’après Rubens, Louis XV, le prince de Condé (peut-être) et le duc de Bourgogne d’après Hyacinthe Rigaud.
Le théâtre sicilien
Installé par Adolphe Loewi en 1937, le Teatrino siciliano provenant du palais Butera de Palerme avait été transporté à Paris au début du XXe siècle par son propriétaire, le duc Lanza di Branciforte di Camastra. Figures allégoriques, Amours volant dans les airs, fleurs et feuilles en tôle peinte côtoient la Commedia dell’arte. A la fois magique et déroutant.
Le parc
Si vous en avez l’occasion, courez découvrir l’Hôtel de La Rochefoucauld-Doudeauville. Quant à ceux qui en seraient empêchés, nous espérons que cette petite visite en images leur aura permis de voyager un peu.
A conseiller à ceux qui voudraient en savoir plus : sous la direction d’Erminia Gentile Ortona, de Maria Teresa Caracciolo et de Mario Tavella, L’ambassade d’Italie à Paris, Skira, 2009.
Ambassade d’Italie en France
51, rue de Varenne
75007 Paris
Site : http://www.ambparigi.esteri.it.