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Ce n'est pas le social qui endette la France mais la corruption...

Publié le 24 septembre 2013 par Despasperdus

N'avez-vous pas remarqué que les discours de l'UMP, du PS, des Verts et du FN convergent sur le fait que la France serait quasiment devenue un pays pauvre, ou tout au moins un pays très très endetté ?

Selon ces organisations politiques, la France n'a plus les moyens d'avoir un Etat Providence, de payer les retraites à 60 ans à taux plein, d'indemniser correctement les chômeurs, de protéger les salariés, de donner aux intermittents du spectacle un statut protecteur, d'accueillir des immigrés, de rembourser les soins et les médicaments, etc.

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Depuis plus de 15 ans, mais surtout depuis la crise des subprimes, les gouvernements affirment que la dette publique est leur priorité en n'utilisant qu'un seul moyen, la régression sociale.

Sauf que ces politiques-là ont des résultats exactement inverses aux objectifs officiels en précarisant la population et en ralentissant l'activité économique, ce qui produit moins d'entrées fiscales... De plus, pour aggraver les choses, elles sont régulièrement accompagnées de cadeaux fiscaux. Résultat, la dette publique s'envole !

Bizarrement, ces politiques font l'impasse de la lutte contre l'évasion fiscale, principale cause de l'endettement public :

« Les avoirs dissimulés eu fisc français sont presque de l’ordre de toute la recette fiscale annuelle du pays. Ils représentent même presque 5 fois le produit de l’impôt sur le revenu en 2010 »

Pour en savoir plus, je ne peux que conseiller la lecture de Ces 600 milliards qui manquent à la France. Enquête au cœur de l'évasion fiscale. Bien qu'étant, je pense, un citoyen averti, ayant lu pas mal de choses sur la corruption (Merci Denis Robert), l'évasion fiscale et la dette publique [1], j'ai été à la fois consterné et révolté.

Consterné par la complaisance ou la complicité des gouvernements avec les fraudeurs et leurs complices. Et, révolté parce que c'est le peuple qui paie l'addition de l'évasion fiscale et de la dette publique via des impôts injustes et des réformes de régression sociale.

« En France, la question de l’inflation galopante de la dette publique est devenue le sujet d’une intense polémique durant le printemps 2011, au moment de la discussion parlementaire du projet gouvernemental d’inscrire dans la Constitution une « règle d’or » de retour à l’équilibre budgétaire. »

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Antoine Peillon s'est appuyé en premier lieu sur le travail de Gabriel Zucman, doctorant à l'École d'économie de Paris, auteur d'une thèse « La richesse manquante des nations ».

« En 2010, pas moins de 2275 milliards d’euros n’entrent pas ainsi dans les comptes de l’Europe, ce qui génère des distorsions importantes dans les statistiques mondiales et dégrade gravement la qualité des politiques économiques de l’Union européenne et des États. « Pour l’Europe, cela produit l’idée absurde que cette région du monde est pauvre, endettée vis-à-vis de pays émergents comme la Chine, alors qu’elle est encore la plus riche de la planète. Si la richesse manquante, masquée, revenait à sa source, on améliorerait beaucoup l’impôt et cela contribuerait à résoudre de façon substantielle les problèmes de financements publics. Cela fait partie des solutions à la fameuse dette publique ! »

L'auteur a amassé une masse importante de documents - parfois classifiés - et de témoignages de hauts fonctionnaires, dont certains des services secrets, et de cadres supérieurs de la banque UBS, écœurés par les méthodes de leur employeur et par la passivité de l’État français quant à l'évasion fiscale.

« « je vais vous expliquer la mission réelle de la sous-direction K et K5 en matière d’évasion fiscale : protéger le premier cercle des fraudeurs, quand ceux-ci soutiennent, par cotisation en espèces ou par influence, le parti de ceux qui sont au pouvoir. Connaitre, le plus en amont possible, les délits des riches et des puissants, - cela va souvent ensemble – permet des négociations sérieuses et précises sur les contreparties attendues en échange d’une solide et confidentielle immunité. (…) les constats de nombreuses fraudes fiscales sont mis au coffre pendant trois ans, le temps de la prescription de ces délits, au lieu d’être transmis au fisc et au parquet pour nourrir des procédures judiciaires qui seraient légitimes ». »

Au fil des lignes, il est question de faits dignes d'une république bananière :des broyeuses des services secrets qui détruisent le 2 décembre 2011 des documents compromettants sur l'évasion fiscale, de policiers trop consciencieux qui ont été mutés, de l'immobilisme de l’Autorité de contrôle prudentiel (acp) et de la Banque de France qui, entre autres, enterrent une note détaillée accompagnée de pièces authentiques, rédigée par un collectif de cadres d'UBS, ou d'enquêtes préliminaires classées sans suite malgré des preuves et des témoignages accablants de salariés d'UBS France...

« L’évasion fiscale « industrielle » qui « plombe les finances publiques, assèche l’investissement dans nos entreprises, boucle le cercle vicieux de la dette publique, de la récession, du chômage, de la guerre civile larvée qui s’exprime par les hausses immaîtrisables de la délinquance et de la criminalité... ». Un scandale qui le révolte d’autant plus qu’il est « couvert par certains services de renseignement et d’enquête judiciaire, sans doute aussi par le parquet, sur ordre évident de l’exécutif » (…). »

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Antoine Peillon s'est particulièrement intéressé à la banque suisse UBS dont la filiale française n'a jamais fait l'objet - Ô miracle - d'une enquête des autorités compétentes malgré des bilans annuels structurellement et invariablement déficitaires.

Selon lui, cette banque est spécialisée dans l'évasion fiscale, à tel point qu'elle a crée un département mondial de commercialisation des services bancaires offshore. Il révèle qu'elle tient une double comptabilité pour masquer sa principale activité. La comptabilité secrète est essentiellement manuscrite, les agents d'UBS retranscrivant les noms de leurs clients et les sommes "évadées" sur des documents papiers qui portent les noms de carnets du lait et de fichier vache à lait. Le lait désigne l'argent évadé de ses clients.

Il pointe aussi son activité en qualité d'organisatrice d'événements très mondains, comme l’UBS Verbier Festival Orchestra, qui lui permet à la fois d'entretenir des relations fructueuses avec sa clientèle et de séduire des clients potentiels, flattés d'entrer dans le même monde que certaines personnalités du monde des affaires, du spectacle ou du sport...

L'auteur souligne aussi le rôle des banques françaises (qui ont un nom !), BNP Paribas, Crédit agricole ou Société générale qui ont quelques 361 entités offshore, le cas troublant de L. Bettencourt qui n'a fait l'objet d'aucun contrôle fiscal entre 1995 et 2010 alors que les services fiscaux contrôlent en moyenne tous les 3 ans les grosses fortunes . Ou la plainte d'une élue du CHSCT d'UBS France au TGI de Paris en date du 10 décembre 2009 qui n'a a priori fait l'objet d'aucune instruction...

Il ressort de Ces 600 milliards qui manquent à la France. Enquête au cœur de l'évasion fiscale, le sentiment que la France est un pays corrompu dont les autorités s’accommodent, voire protègent l'évasion fiscale, soit la principale cause de l'endettement public !

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Ce livre devrait être distribué gratuitement à l'ensemble des citoyen-ne-s tant il va à rebours des idées-reçues et de la communication officielle en démontrant que la lutte contre l'évasion fiscale, pourtant vitale pour le pays, n'est pas la priorité des gouvernements qui se succèdent depuis 20 ans. Ni celle du gouvernement Ayrault qui a décidé d'aggraver la RGPP en supprimant encore plus de postes de fonctionnaires au ministère des finances (le 2ème ministère le plus touché par la MAP).

Alors évidemment, il faut s'entendre sur la définition de corruption. Mais comment qualifier autrement des gouvernements qui privatisent à bas prix des entreprises publiques performantes et qui organisent la paupérisation des retraites par répartition, le démantèlement rampant du système de santé, la casse des services publics au nom de la saine et sainte concurrence ? Des gouvernements qui privilégient les intérêts particuliers de l'oligarchie à coups de niches fiscales, de cadeaux fiscaux de passivité ou de clémence vis-à-vis de l'évasion fiscale ? Des gouvernements corrompus ? [2]

Dans le même temps, la vie devient de plus en plus dure pour les classes moyennes et populaires qui ne peuvent planquer une partie de leurs revenus dans les paradis fiscaux et qui paient plein pot l'impôt, qui voient la facture d'électricité augmenter depuis l'ouverture à la concurrence et la privatisation partielle d'EDF, qui auront une retraite de misère même en cotisant 43 années, et qui vivent ou qui redoutent la précarité.

Quand un peuple et un pays s'appauvrissent alors que les richesses produites ne cessent d'augmenter, c'est bien la preuve qu'il y a quelque chose qui cloche, non ? Corruption ?

Notes

[1] AAA, Audit Annulation Autre politique

[2] L'hallucinante affaire Rémy Garnier ou le mépris de la République !


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