Stéphane Bouquet | East Side Story

Publié le 26 septembre 2013 par Angèle Paoli
« Poésie d’un jour

EAST SIDE STORY (extrait)

2 jours avant la fin nous roulons
1h en scooter, il est 1h du matin, je m’accroche à son ventre, j’ai
glissé les mains
sous son blouson et tee-shirt pour lui caresser la respiration et ne
pas tomber
dans virages et collines, où allons-nous, surprise, be not afraid,
brise un peu froide
malgré le réconfort de son dos. Nous sommes dans des bains de
soufre jaune
et chaud. L’employé indique doigt indifférent les salles rivées,
cabine 13, sol
inondé, nous nus et les affaires aux étagères, l’eau sourd paraît-il
directement
par robinet interposé des déesses de l’immortalité. Il rit, il dit, si
on s’embrassait
à fond dans la vapeur d’anciens lavis d’ici, il m’apprend à
distinguer
le mouvement song de sa langue dans ma bouche, le mouvement
tang de sa langue
dans ma bouche, ses dents frisent dangereusement la poésie de
renaissance occidentale :
petit gravier d’ivoire qu’il a plein la bouche, choselettes cachées
sous le coussin
des lèvres, il est 4 h du matin, je bâille et demain je travaille mais
il faut rester
plus longtemps pour survivre à encore plus d’années, chaque
baiser profondément
pensé dans le très peu de jours de nous deux. La brume aussi
est tombée sur les
collines du retour, la pluie aussi tombait sur le scooter. Il veut
que je conduise pour
à son tour se coucher sur mon dos et se reposer lui aussi dans la
zone de certitude
provisoire mais la route est mouillée, le brouillard nous encercle,
je n’ai jamais
conduit de scooter, je ne veux pas que tout finisse déjà dans la
mort. Il dit
I don’t really believe, à son âge, à la mort mais moi si et en fait
assez pour deux.

Stéphane Bouquet, “East Side Story” in Les Amours suivants, Champ Vallon, Collection recueil, 2013, pp.56-57.





■ Voir aussi ▼

→ (sur le site des éditions Champ Vallon) une page sur Stéphane Bouquet



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