En cette rentrée, plusieurs nouveaux magazines de BD ont fait leur apparition en librairie : « La Revue
Paradoxale, parce que « Papier » ne serait qu’une compilation de planches produites par différents auteurs plus ou moins talentueux (au nombre desquels Bastien Vivès, Jérôme Anfré ou Florence Dupré-Latour), sans un petit édito des directeurs de la publication, seul élément de nature à nous éclairer sur le but de cet assemblage d’auteurs. Et que dit cet édito ? C’est une sorte de manifeste nostalgique de Lewis Trondheim, qui déclare sa flamme au papier, quand le « tout numérique », tel un golem, s’apprête à engloutir tous les petits métiers d’antan. La sincérité de ce fétichisme un peu mou est douteuse - d’abord parce que « Papier » est maquetté au format « cheap » manga, noir et blanc, assez peu adapté à la plupart des contributions.
Paradoxale surtout parce que, sans la Toile, la plupart des auteurs publiés dans « Papier » ne se seraient pas fait connaître aussi vite, s’imposant pour ainsi dire aux éditeurs. Depuis une dizaine d’années, internet joue le rôle des fanzines-BD naguère, de promotion de nouveaux talents, qui désormais peuvent s’auto-promouvoir plus facilement. Le luxueux fanzine « Lapin » de « L’Association » a lui aussi, de ce fait, perdu sa raison sociale (« Lapin », qui, pour le coup, était vraiment fabriqué par un -ou une ?- fétichiste amoureux du détail). Au moins en ce qui concerne la BD, la « révolution numérique » n’est pas surtout d’ordre technologique. Internet va au moins autant à l’encontre de l’esprit de système qu’il ne le conforte.
On a donc l’impression que L. Trondheim et son associé Yannick Lejeune se sont saisi du premier prétexte venu. Vivès donne une parodie du «Livre de la Jungle» (je m’attendais à un truc un peu plus « zoophile ») ; Florence Dupré-Latour continue de se venger de sa famille bourgeoise lyonnaise, s’exposant ainsi à un droit de réponse, comme le romancier Jean-Louis Fournier récemment après avoir bafoué sa fille.
Si le contenu n’est donc pas trop mal, le contenant laisse à désirer ; c’est bien sûr presque toujours le cas des jeunes revues ou gazettes, mais L. Trondheim, en principe, n’est pas né de la dernière pluie.
On peut donc regretter que B. Vivès ou/et F. Dupré-Latour, à l’humour plus caustique et moins potache que celui de Trondheim, n’aient pas pris la direction de « Papier ».
Papier, sept. 2013, Delcourt, 9 euros.