Magazine Journal intime

La première fois

Publié le 29 septembre 2013 par Claudel
La première fois Elle m’a demandé de lire mon manuscrit. Si je le veux bien. Elle, ma muse. Elle qui me connaît si bien. Qui sait si bien inventer. Qui, à partir d’un bruit en déduit toute une histoire d’accident. Qui a dans sa mémoire des centaines d’anecdotes qui pourraient alimenter des romans de 300 pages alors que j’éprouve de la difficulté à mener à bien un seul à 200 pages.
Oui, je vais le lui montrer, même si le manuscrit est loin d’être achevé. Justement pour qu’elle me fasse des suggestions. Je l’entends déjà me dire de « mettre de la chair autour de l’os ». Je n’ai pas peur qu’elle me trouve des fautes, là n’est pas sa force. Ce n’est pas le doute qui se rue vers mon cerveau émotionnel, je ne crains pas son jugement, je sais à l’avance qu’elle me dira bien en deçà de ce que je me dis moi-même. Non, j’ai même hâte de savoir ce qu’elle en pensera. C’est plutôt cette émotion de jeune mariée qui m’étreint. Dévoiler ce qui était secret jusqu’à ce jour, me montrer à nue, sachant que ce corps, le manuscrit, n’est pas parfait, n’est pas achevé. La fierté aussi d’être désirée. Ce n’est pas moi qui lui ai demandé, c’est elle qui a offert. Entendre qu’elle aime, ne serait-ce qu’un peu; entendre, comme si c'était la première fois — et ce le sera pour ce manuscrit — , «j’aime» c’est ce qui m’émeut le plus dans ma vie personnelle autant que professionnelle. Ce que je verrai dans ses yeux, ce que j’entendrai de sa bouche, je sais à l’avance que ça me chavirera et me motivera pour devenir meilleure. 
Il y a ceux qui préfèrent aimer et ceux qui souhaitent être aimés. Aimer, pour moi, c’est facile, j’ai le contrôle sur mes sentiments, mais être aimée, ça n’arrive pas souvent dans une vie, avouons-le. Et être aimée dans ce que nous avons de plus intime, de plus précieux. Écrire pour moi est un acte solitaire, un acte important, un acte où je ne suis pas une image ou un être social, où je livre le plus beau et le plus profond de moi-même, et dont je parle rarement parce que personne ne me pose de questions à ce sujet, alors que quelqu’un veuille me lire, surtout la première fois, ça m’émeut. 
Et ça me fout la pétoche !

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