Comment leur résister ? Elles sont si blondes, leurs courbes sont tellement propices à laisser mes doigts s’y attarder, même leur caractère croquant m’attire. Jamais je ne leur ai dit non, jamais je ne leur refuserai d’y goûter. Quelle que soit leur provenance, je les aime toutes. L’irrésistible attrait des chips me laisse sans défense.
L’ouvrir, c’est le finir. L’entamer c’est le terminer. Un paquet de chips sorti du placard est un paquet condamné. Une par une, entre deux doigts au début, d’un air dégagé, presque dédaigneux devant le commun de cet accompagnement d’apéro, puis à trois doigts en pince pour en chopper plus à la fois et les enfourner dans des craquements et explosions de saveurs salées. Le bout des doigts graisseux auxquels collent de minuscules grains d’éclats de chips et de sel participe à la gloutonnerie qui s’empare de moi.
A se goinfrer de cette délicieuse cochonnerie, on en oublierait parfois que ce sont des pommes de terre. Il y a tout un monde entre la grosse patate au four, obèse et obscène dans sa peau sombre fendue par la cuisson, et ces délicieuses tranches fines, croustillantes et dorées qui n’acceptent, les coquines, que les doigts pour la prise. Si légères qu’on en perd toute retenue, une pincée pour goûter, une autre pour savourer, encore une pour le plaisir, une de plus pour le craquant, et celle-ci pour accompagner mon verre et encore une parce que le paquet est presque terminé, bon une dernière pour dire et ultime sursaut, avec la pointe du doigt humidifié, récupérer les minuscules brisures au fond du sac.
Et là il est trop tard, vous n’avez plus faim pour la suite du repas qui n’a pas débuté. La chips aguicheuse, usant de ses charmes immenses, s’est octroyé la vedette d’un spectacle dont elle n’était que la première partie.