Magazine Humeur

Commentaire sur les exigences d’un dialogue

Publié le 25 juillet 2013 par Numero712 @No_712

Suite à mon billet sur les "folles" exigences de Monsieur Peltier, il m’a été indiqué que le propos de mon billet gagnerait à être explicité ; Monsieur Peltier me demande en effet lui-même de lui expliquer en quoi les conditions préliminaires qu’il pose pour rencontrer Monsieur l’Abbé Grosjean me semblent "folles".

2013 06 05 - Thierry_PELTIER

Je tiens, avant d’aller plus en avant, à remercier Monsieur Peltier qui a donc pris la peine de lire au moins ce second billet de mes commentaires ayant rapport aux échanges entre Monsieur l’Abbé Grosjean et lui-même. Je tiens ici à rappeler en introduction le contexte de ma réflexion sur le sujet ou le "pourquoi" j’ai cherché à entamer une réflexion sur cet échange entre ces deux personnes alors que je ne connait ni l’un ni l’autre. Ma démarche était "intéressée" pour savoir dans quelle mesure il est possible aujourd’hui pour un catholique d’exprimer ses idées, s’il n’y a pas un biais dans notre façon d’envisager la communication qui nécessiterai  un aggiornamento "interne à l’Eglise catholique", si nous catholiques savons encore communiquer.

Suite à un premier échange de "billets" initié par une "Lettre ouverte" de Monsieur Peltier auquel Monsieur l’Abbé Grosjean a répondu, je me suis interrogé d’une part sur ce qui me semble être une dénaturation du message de l’Eglise et d’autre part sur la possibilité d’un dialogue ; comment est-il possible aujourd’hui de faire un débat et d’échanger des idées. Ce billet (lien) visait à comprendre les terme d’un débat et a donc cherché à excéder le seul cadre de ce dialogue entre ces deux personnes ainsi que le sujet, lui-même éminemment politique de la loi n°2013-404.

Monsieur Peltier a ensuite produit une réponse qui m’a semblé un peu plus "délicate" à plusieurs titre ; il m’a semblé lire que Monsieur Peltier voulait "fermer la porte" à un dialogue en laissant croire qu’il la laissait ouverte dans l’intention visible de pouvoir rejeter la responsabilité d’un "échec" de ce dialogue au prête, victime idéale en tant que "représentant" de l’institution catholique. Le principe de la démarche est simple et connu, c’est tendre la main au dialogue en posant des conditions qui en elles mêmes rendent l’acceptation de l’autre impossible. J’ai alors exposé une brève analyse de ce qui me semble relever d’une rhétorique de négation même du dialogue dans un second billet (lien).

Comme indiqué au début de ce mail, Monsieur Peltier a pris la peine de m’adresser une demande d’éclaircissement via Twitter. Les deux billets dont j’ai fait mention avaient pour propos la capacité au dialogue et donc, en arrière fond, l’intelligibilité. Je regrette donc vivement si mon propos n’a pas été assez intelligible pour me permettre de me faire comprendre. Dans le premier des deux billet, une lecture vigilante d’un commentateur m’a incité d’ailleurs à préciser la notion de "paralogisme". Aussi, si Monsieur Peltier n’a pas compris en quel sens il me semble que certains termes de sa réponse à Monsieur l’Abbé Grosjean hypothèquent la possibilité d’un dialogue, je vais ici, comme je lui avait indiqué par Twitter, tenter de me faire plus explicite. Mon billet risque donc d’être un peu plus dense que mes deux billets précédents ; je prie donc ceux qui avient déjà saisie mon propos de bien vouloir pardonner ma redite.

Pour expliciter mes propos et apporter plus de clarté, enfin je l’espère, je vais reprendre la trame de mon précédent billet en revenant en détail sur les modalités qui me semblent induire une impossibilité du dialogue.

En préliminaire, n’excluant pas que le tweet de Monsieur Peltier (voir ci-dessus) fût empreint d’une once de sarcasme ou d’agressivité, je vais me permettre à mon tour de sortir de l’objectivité que je recherche comme "ligne éditoriale" de ce blog en commentant son introduction qui me semble elle même polémique, irrespectueuse et condescendante. La manière de féliciter le prêtre pour son abonnement à "Mediapart" comme étant un sésame pour une ouverture d’esprit nécessaire (et qui donc, implicitement fait défaut à Monsieur l’Abbé Grosjean), la façon de présenter cela comme une dissidence ou une liberté semble présenter la foi de Monsieur l’Abbée Grosjean comme une foi obscurantiste ou alors une foi d’un fidéisme ne sachant s’ouvrir sur le monde. Cette présentation sarcastique me met légèrement mal à l’aise de la part de quelqu’un qui nous a fait dans un précédent billet l’apologie de son catholicisme "engagé" comme une manière de se présenter comme un bon chrétien. Que sur le fond, au sein de l’Eglise catholique, il soit tout à fait possible d’avoir des points de vue divergeants, des débats constructifs, cela est tout à fait possible. En tant que catholique il me semble que ces débats doivent être fait en respectant son interlocuteur et je suis assez mal à l’aise à la lecture de ce billet car je trouve que l’irronie de Monsieur Peltier laisse bien peu de place au respect. Je suis d’autant plus mal à l’aise quand un bon chrétien, qui étale ses engagements comme autant de certificats de "bonne vertu", se permet un manque de respect à l’encontre d’un prêtre. Le Concile Vatican II nous enseigne que "les fidèles doivent être conscients de leurs devoirs envers les prêtres, entourer d’un amour filial ceux qui sont leurs pasteurs et leurs pères, partager leurs soucis, les aider autant que possible par leur prière et leur action : ainsi les prêtres seront mieux en mesure de surmonter les difficultés et d’accomplir leur tâche avec fruit" (Presbyterorum ordinis n°9). De nombreuses citations du Concile invitent au même respect filial des fidèles envers les prêtres que nous donne le Seigneur, je vous invite en particulier à lire le n°37 de Lumen Gentium. Pour conclure et refermer cette parenthèse, qu’entre chrétiens, frères en Jésus Christ, nous ayons des avis divergeant, cela est possible et en débattre ne peut que nous aider à avancer collectivement vers une plus grande intimité avec le Seigneur, mais que les échanges se fassent dans le respect des uns et des autres, et nous devons oublier le respect tout particulier que nous devons à nos prêtres.

Après une longue introduction et une parenthèse un peu longue aussi j’en viens au cœur de mon sujet et à l’analyse du texte de Monsieur Peltier. Après les circonvolutions sarcastiques sur l’abonnement "Mediapart", suit un paragraphe qui s’étonne qu’un prêtre qui a 16.000 followers ne prenne pas la peine de répondre à tous les messages qu’il reçoit. Je trouve à titre personnel qu’il serait difficile de faire autre chose de ses journées s’il fallait répondre à tant de personnes. En revanche je conçois parfaitement que cela soit frustrant. C’est bien là le piège de ce type d’outils "collaboratifs" qui multiplient les contacts entre les personnes ; quand un personnage publique par à la radio, même si c’est une libre antenne, je suis bien conscient en essayant de téléphoner au standard que mon appel a une infime chance d’être transmis en directe et pourtant il faut faire l’effort de prendre son téléphone, de composer un numéro, etc. alors que sur Twitter, il suffit de cliquer sur répondre pour pouvoir "s’adresser" à la personne. Et une personne qui est catholique affiché, qui tient un discours engagé et qui est prêtre s’attire à chacun de ses tweets un flot de réponses. Aussi, même si je reconnais l’aspect frustrant, je ne tombe pas de ma chaise que, dans un premier temps, Monsieur l’Abbé Grosjean se soit contenté d’un tweet "très concis". Ce paragraphe n’apporte à mon sens que peu de chose sur le fond sinon un aspect "affectif" qui vise à rendre Monsieur l’Abbé Grosjean assez peu sympathique. Cela me semble relever d’une ficelle un peu grosse et nuire à une lisibilité "neutre" du courrier.

Je trouve une grande ironie dans cela car maintenant qu’il est devenu une star des réseaux sociaux, avec plus de 1000 followers, il se permet à mon encontre une réponse à peu près aussi succincte que la première réponse qu’il reprocha justement à Monsieur l’Abbé Grosjean. Cela me rappelle une histoire de poutre et de paille…

Vient ensuite long exposé qui multiplie les exemples de personnes qui se reconnaissent dans l’avis de Monsieur Peltier. En soit cela est assez légitime, pour donner du poid à son propos de montrer une adhésion d’autrui, comme un avis d’un arbitre. Sur le fond, et d’un point de vue purement logique, des avis concordants n’ont jamais constitué une démonstration. L’objet du présent article étant de s’en tenir à l’analyse méthodologique du dialogue, je ne reviens pas sur le contenu des messages "de sympathie" dont il est fait mention même si à titre personnel, je trouve que dans nos paroles et dans nos attitudes, nous ne nous montrons sans doute pas assez accueillants à l’endroit de nos frères homosexuels puisque nombre d’entre eux ne se sentent pas accueillit.

Venons en ensuite aux deux points de méthode qui me semblent deux "portes fermées" à l’éventualité (oserais-je dire l’opportunité) d’un dialogue.

Le premier des deux écueils est à mon sens le refus de bien vouloir s’entretenir sur la base de "documents préparatoires" puisque c’est ainsi que Monsieur l’Abbé Grosjean présenta sa réponse. Il me semble tout à fait naturel dans un dialogue que l’on veut constructif que chaque partie adresse à l’autre ses "arguments", ses "références", le cas échéant ses "sources documentaires"… dans la vie en entreprises pour aborder des travaux collaboratifs (de type partenariat notamment), il est d’usage de mettre à disposition de l’autre partie l’ensemble des données techniques qui vont permettre de modéliser les travaux de part et d’autres. Cela me paraît procéder d’une saine démarche collaborative. Il serait ainsi à considérer à mon avis, que le billet initial de Monsieur Peltier constituait de sa part la transmission de ses "arguments" à partir desquels Monsieur l’Abbé Grosjean et lui auraient pu étranger; à ce titre, il semble assez logique que Monsieur l’Abbé Grosjean retournât lui aussi une feuille de route avec les lignes directrices de ces arguments.

Refuser un débat parce que son contradicteur vous indique à l’avance les grandes lignes de ses arguments ou les axes de sa réflexion me semble étrange. Comment refuser un débat sous prétexte que notre interlocuteur ne partage pas notre avis ? Ou alors parce qu’il affirme (et argumente) ses opinions qui ne seraient pas les miennes ? Cela me semble à titre personnel tout à fait "incompréhensible" et c’est bien le premier des deux points qui m’a fait trouver folle votre exigence ? Comment concevoir un dialogue où les contradicteurs n’auraient pas la légitimité d’exposer leurs propos, leurs opinions, leurs arguments et, même, leurs préjugés ? Arriver avec ses arguments dans ses poches sans avoir laissé à l’autre l’opportunité de les étudier relève plutôt d’un "débat", d’une "joute verbale" qui est conflictuelle et non pas un débat collaboratif. Je pense que certains considèrent qu’il est très amusant de continuer à souffler sur les braises d’un conflit qui déchire encore la France ; cela est triste et je préfère des attitudes qui nous permettent un dialogue pacifié ou les uns et les autres s’écoutent (ce qui me semble avoir été que très peu le cas ces derniers temps dans notre douce France). L’attitude "adulte" que Monsieur Peltier dit vouloir de ces vœux ferait mieux de s’exprimer dans l’analyse et l’étude des arguments de Monsieur l’Abbé Grosjean pour échanger calmement avec lui plutôt que, d’une part, refuser ce temps de dialogue et d’autre part, en rejeter ostensiblement la responsabilité sur Monsieur l’Abbé Grosjean en critiquant publiquement son attitude en se livrant à un grand déballage de propos tenus en privés dans le cadre de la préparation de leur rencontre.

Il y a du voyeurisme et de l’indécence à un tel comportement.

Le second écueil qui me semble peut-être encore plus ubuesque est le fait de demander à Monsieur l’Abbé Grosjean de marquer publiquement son accord sur cinq conclusions au débat. Et peut importe le sujet, peut importe les conclusions… en terme de méthode il me semble totalement inenvisageable de demander cela à quelqu’un. Je disais dans mon premier article que cela me faisait l’effet de demander à quelqu’un de prêter allégeance. Puisque Monsieur Peltier me demande de détailler et d’expliciter plus en avant mon argumentaire, en y repensant, son attitude me fait penser à ces enfants qui, lorsqu’ils ont quelque chose à réclamer vous demandent de "dire oui d’abord".

Cela est une attitude qui ruine toute possibilité de dialogue.

Que l’on se mette au préalable d’accord sur les modalités "pratiques" d’un dialogue (au niveau donc des règles à respecter), cela est envisageable. Que l’un des deux impose à l’autre les conditions matérielles du dialogue cela est en soit déjà douteux, car cela peut induire un "rapport de force", mais cela ne rend pas pour autant impossible un échange entre deux personnes. (Je me permets entre parenthèse de citer que le choix de la langue, que ce soir le français, l’anglais ou autre, est un exemple de pré-requis de forme sur laquelle il convient de se mettre d’accord de manière préalable à un temps d’échange.) Mais là, nous sommes à une situation grotesques qui vise à demander à l’autre partie son approbation sur des points qui soient relèvent du contenu du discours, soit de conclusions, le cas échéant irréductibles.

Je risque une analogie sur le discours œcuménique ; la demande de Monsieur Peltier me fait penser à un catholique qui n’accepterait de rencontrer des membres d’autres églises chrétiennes que s’ils reconnaissaient au préalable les cinq points suivants : la présence réelle du Christ dans l’Eucharistie, la primauté et l’infaibilité papale, la virginité de Marie et que le Saint-Esprit procède du Père et du Fils et non pas qu’il est issu du Père par le Fils.

Ce sont la des exemples pour illustrer mon raisonnement de manière analogique puisque, une fois encore, je ne souhaite pas m’exprimer sur le fond du sujet dans le présent billet. L’objet est bien simplement d’exprimer qu’il n’est pas concevable de demander à son interlocuteur d’approuver des pré-requis (de fond et non de forme), quels qu’ils soient en guise de préliminaires. C’est ce second point qui m’a fait caractériser ainsi de "folles" les exigences que posait Monsieur Peltier à tout dialogue avec Monsieur l’Abbé Grosjean.

J’ai été un peu long et je prie mes lecteurs de bien vouloir m’en excuser. J’espère avoir apporté un peu plus de clarté dans mes propos pour que Monsieur Peltier puisse comprendre en quel sens, d’un point de vue méthodologique (et non de fond), je ne partageais pas son approche. Si Monsieur Peltier prend la peine de me lire, je le prie également de bien vouloir m’excuser d’avoir pris tant de temps pour lui répondre sur à son tweet du 5 juin et j’espère que les éléments complémentaires lui apporteront les éclaircissements demandés.

PS : J’ai plusieurs fois entendus des catholiques regretter que les éléments du débat qui ont été porté par les évêques de France (et relayé par nos prêtres), portaient de manière quasi exclusive sur des arguments et des études qui se voulaient compréhensibles par la société civile et étaient, par voie de conséquence, des arguments de nature anthropologique, psychologiques, etc. Bien que n’ayant pas étudié ce document, je sais que la Congrégation pour la Doctrine de la Foi a rédigé, en date du 3 juin 2003, une note doctrinale "à propos des projets de reconnaissance juridique des unions entre personnes homosexuelles". Je la mentionne à toute fins utiles dans l’éventualité où celle-ci puisse apporter des éléments de discernement spirituels à certains lecteurs.



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