9 mois ferme, du bon Dupontel

Publié le 12 octobre 2013 par Naira
Albert Dupontel est un auteur à part dans le paysage cinématographique français. Depuis plusieurs années il développe un univers tout à fait singulier, empreint de poésie, de critique sociale et d’humour tantôt corrosif, absurde, cynique ou noir. Un Terry Gilliam français en somme. Rien d’étonnant, Dupontel revendiquant clairement cette influence ; et les deux hommes se connaissent bien, s’estiment et travaillent parfois ensemble. Terry Gilliam tient d’ailleurs un petit rôle dans le film, comme précédemment dans Enfermés dehors.
Depuis Bernie, son premier long-métrage en 1996, Albert Dupontel s’attache à dénoncer les dérives de notre société en enfilant le nez rouge, parfois sanglant, selon ses propres mots. Plus le temps passe, plus j’ai le sentiment que c’est l’ensemble de la société qui va de travers. De ce constat dramatique, j’essaie d’en ricaner et d’en faire part au public, affirme Dupontel qui estime plus faire des drames "rigolos" que des comédies.
Dans Enfermés dehors, en 2006, il brocardait gentiment mais fermement la police française, faisant endosser à son personnage de clochard, l’habit d’un policier suicidé. Humain et efficace, ce clochard-policier était à l’image de ce qu’on est en droit d’attendre des forces de l’ordre. Derrière cette comédie burlesque se dissimule le propos éminemment engagé d’un auteur volontairement en marge de la profession et des mondanités du show-business. Les personnages qu’il incarne dans ses films sont à son image, des marginaux dans une société qui le juge sans ménagement.
Il est aussi question de jugement dans 9 Mois ferme, plus institutionnel néanmoins, puisque Dupontel s’y prend à un autre pilier de notre société de droit : la justice, dans une fable burlesque qui unit le crime et la justice, le vice et la vertu, un mauvais sujet et une juge en bois brut, comme dirait tonton Georges :
Ariane Felder est une juge ambitieuse et farouchement célibataire. Elle est totalement prise au dépourvu par une grossesse dont elle ne sait pas qui en est la cause et encore moins quand cela a pu se produire. Son désarroi est total, lorsqu’elle apprend que le père de son enfant à naitre n’est autre de Bob Nolan, un criminel poursuivit pour une atroce agression.
Bob Nolan, un marginal qui fait un enfant à la justice, ou du moins à son allégorie, voilà le drôle de tableau que nous offre à voir le film. Car Ariane Felder est une femme aveuglée par sa fonction mais dont les intentions sont louables et empreintes d’une volonté d’équité…de justice quoi.
Dupontel fait mouche, il parvient à nous captiver pour se couple improbable, à nous émouvoir de la détresse de cette femme perdue et à nous amuser de la simplicité de ce criminel recherché. Le scenario fonctionne efficacement autour du dilemme que représente pour Ariane Felder le choix entre son métier et sa vie privée. Va-t-elle garder son enfant ? Peut-elle décemment envoyer en prison le père de son enfant ?
Dans le rôle d’Ariane Felder, Sandrine Kimberlain, n’apparait pas comme une évidence mais parvient vite à lever le doute quand l’humour prend le pas sur le contexte. Sandrine Kimberlain assure et même plus. Avec le concours de la mise en scène de Dupontel, elle parvient à incarner la froideur de la justice, et la douceur et la beauté d’une femme enceinte. Sans ce départir, à aucun moment, d'un sens du comique inattendu.
Dupontel est parfait dans ce rôle qui ressemble à ceux qu’il a déjà incarnés dans ses précédents films, mais auquel il confère une différence subtile mais évidente. Toujours impeccable, Bouli Lanners tient un petit rôle dans le film.
Dupontel a le cinéma au corps, il le dit et ça se voit. En plus de la création de personnages ambigus mais profondément humains, il a le don de la mise en scène efficace qui rappelle celle de Jeunet et bien entendu celle de son mentor, Terry Gilliam. Inventive, loufoque, déjantée, Dupontel sublime son récit par une mise en scène enlevée auquel il nous a habitué depuis ses débuts.
Du bon Dupontel. Derrière ce jeu de mot douteux se cache un pléonasme, parce que tous ses films, selon moi, sont excellents. Avec 9 Mois ferme, Dupontel enfile donc une nouvelle perle au collier de ses réalisations.
A voir absolument dès le 16 Octobre 2013
Tanguy
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