Césaire : une île d’avance

"Plus que les officiels et les grands témoins, ce sont les jeunes Martiniquais qui donnent à ce film sa vraie respiration". Christine Ferniot
Césaire n'est pas seulement le poète mondialement connu, emblématique de la négritude. Il a été pendant 50 ans l'homme politique le plus influent des Antilles, maire de Fort-de-France et député de la Martinique. Il était aussi l’homme politique le plus aimé de son peuple.
Aimé Césaire a accepté le pouvoir avec une idée en tête : "décoloniser" les esprits, faire reconnaître la singularité de l’histoire martiniquaise, voire caribéenne, tout en permettant aux Martiniquais de devenir des citoyens français à part entière avec les mêmes droits que ceux de la métropole. Pour cela, il fallait conquérir une autonomie de fonctionnement et de gestion des questions locales : faire passer les anciennes colonies du statut de territoire à celui de département fut sa première victoire en tant que député.
Entré en politique en 1946 sous la bannière du PCF, il comprit vite que les inégalités nées du racisme et du colonialisme n’étaient pas de celles que le communisme allait défendre en première ligne. A la publication du rapport Khrouchtchev, sa démission fut le vrai lancement de sa carrière politique et l’origine de sa recherche d’un mode de gouvernance original, appuyé sur sa vision à la fois pragmatique et humaniste des besoins de la société martiniquaise des années 60.
Le pragmatisme disait qu’il fallait rester français, dans le cadre de l’Etat républicain, l’humanisme disait qu’il fallait se battre sur tous les fronts pour faire reconnaître la culture noire et réhabiliter aux yeux mêmes des Antillais leur origine africaine. Identité plutôt qu’intégration, autonomie mais pas indépendance. Cette troisième voie, difficile à suivre, qui visait à permettre l’existence et la reconnaissance de différences identitaires, culturelles, presque communautaires, dans l’ensemble plus vaste de la communauté républicaine française.
Au bout du compte, qui sont aujourdhui les Martiniquais ? De quelle appartenance se réclament-ils selon qu'ils vivent à Paris ou Fort-de-France ? Quel héritage Césaire leur a-t-il laissé ? Cette troisième voie inventée par Césaire entre assimilation et indépendance permet-elle aux individus de se forger une identité cohérente et sereine? Ce sont les questions auxquelles tente de répondre ce documentaire à la fois ses héritiers, ses opposants et les nouvelles générations.
Ce film est un voyage entre Paris et Fort-de-France, un dialogue entre la vue d'ailleurs et la vue d'ici, la vie ailleurs et la vie ici pour tenter de vérifier auprès des Antillais si l'hypothèse politique de Césaire a réussi. Et si, comme il le croyait, "un immigré peut être un autre parmi les siens".
Réalisation : Bérengère Casanova
Redif : 13/10/13 - Public Sénat - 09h00

CESAIRE : Une île d'avance par publicsenat