Berthe,
voici dix jours, je faisais ma première cure de Taxotère. Durant cette grosse semaine, nous avons épié, surveillé et analysé les moindres effets secondaires.
Comme je ne savais pas trop à quoi m'attendre, j'ai bien sûr imaginé le pire. Je me voyais déjà agonisant au fond de mon lit, incapable de remuer le moindre orteil.
Deux boîtes à pharmacie ont donc été prévues : la rectangulaire pour les médicaments indispensables, la ronde pour les "au cas où". Et si jamais il m'était impossible de gérer moi-même ma médication, un tableau collé sous le couvercle de la pharmacie principale indiquerait à mon infirmier-amateur du jour ce qu'il faut m'administrer, en quelle quantité et à quelle heure.
Plus organisé que moi, tu ne peux pas !
Les premiers effets sont apparus très vite, quelques heures seulement après mon retour à la maison. Mon ventre a commencé à émettre de drôles de gargouillis et ma tête m'a picoté. J'avais l'impression d'avoir des fourmis sur le cuir chevelu au-dessus des oreilles et derrière la tête. C'est par là que j'allais me dégarnir quelques jours plus tard, mais j'y reviendrai dans une prochaine lettre.
Dès le lendemain, les douleurs musculaires ont fait leur apparition. Elles ne me quitteront pas avant une dizaine de jours. Mal au dos, courbatures dans les cuisses, difficulté pour me baisser ou me relever, marche ralentie… si j'avais fait la course contre ma mémé (qui a presque 84 ans alors que j'en ai 32), elle aurait gagné haut la main !
Après les injections de Granocyte, pour relancer les plaquettes et les globules blancs, je croyais être couverte de bleus invisibles. Si j'appuyais sur une partie de mon corps, elle se révélait douloureuse et sensible. Pourtant ces injections sont nécessaires pour contrecarrer la fatigue qui s'installe. Le coup de mou se produit le jeudi, accompagné d'une sieste réparatrice en début d'après-midi.
Au fur et à mesure des jours, je fais mes adieux à divers produits fétiches de mon quotidien :
- Comme j'ai la langue chargée et le palais sensible, adieu le dentifrice pour adultes, trop agressif.
Vive Signal kid goût fruité pour les 2-6 ans, avec sa souris super-héros !
- Comme j'ai les lèvres irritées, adieu mon Carmex au camphre.
Vive le baume ultra doux de La Roche Posay !
- Comme mes cils et sourcils sont fragilisés, adieu maquillage.
Vive l'huile de ricin dont je les badigeonne chaque soir pour les protéger au maximum !
- Comme je suis sensible aux odeurs (je ne peux d'ailleurs plus me sentir, les produits chimiques
s'évacuant aussi par la transpiration), adieu le gel douche aux effluves envoûtantes.
Vive le Cadum, peaux sensibles, sans parfum !
Mais pour compenser toutes ces renonciations, il fallait bien un SUPER BONUS : fini les poils disgracieux à éradiquer !!! Ils tombent tout seuls, sans douleur et sans peine. Et voilà comment on se retrouve, pour quelques mois, avec la peau toute douce, sans effort…
Finalement, j'ai passé cette première chimio sans y laisser trop de plumes. Je me suis même réconciliée avec mon petit corps, bien maltraité ces derniers temps.
Nous sommes le 16 juillet et je tiens le choc.