Guillaume Canet ne cesse de surprendre depuis qu’il est passé derrière la caméra, il y a dix ans déjà, en 2002, réalisant une satire déjantée de la télévision : Mon idole, avait ce grain de folie qui lui a valu la comparaison avec le cinéma des frères Coen. En 2006 il adaptait Harlan Coben, pour une première approche du thriller avec le très bon Ne le dis à personne, avant de proposer une comédie dramatique : Les Petits Mouchoirs.
Avec Blood Ties, c’est un peu l’exception culturelle européenne qui se tire une balle dans le pied. Les cinéastes européens épargnent désormais aux américains la charge de réaliser les remakes de leurs propres films. Il faut dire que l’ère à Hollywood est au reboot et à la surexploitation des comics. Car Blood Ties, c’est le remake américain de Les Liens du Sang de Jacques Maillot, avec Guillaume Canet, d’après le livre de Bruno et Michel Papet.
Le film consiste en définitive à adapter un polar français à la sauce américaine. Adieu donc camembert, pinard et Renault 12 ; hello rock, ségrégation raciale et grosse cylindrées.
Le scénario revu et corrigé avec l’aide de James Gray a le mérite d’être plus simple que l’originale, mais plus dur et puissant. L’intrigue évacue quelques personnages pour se recentrer sur de la relation entre Chris, et son jeune frère, Frank, policier de son état et qui a connu une histoire d’amour contrarié, par sa famille, avec une afro-américaine. Une histoire qui le rattrape, alors que son frère ainé, sorti de prison, envahit son quotidien. Remarquablement écrit, la comparaison avec son modèle étonne, tant la version américaine est à la fois proche et assez éloignée de l'original. Le duo Canet/Gray rallonge certaines scènes pour en raccourcir d’autres voir les éllipser carrément. Blood Ties gagne en tension et efficacité, là où Les Liens du Sang proposait une approche plus sociale et sensible de cette intrigue policière. Et à trop tirer sur la corde, Blood Ties n’échappe pas à la scène excessivement complexe, que, ni la réalisation, ni le jeu ne parviennent à sauver. Dommage.
Autre bémol tout de même, alors que Les Liens du Sang interrogeait avec intelligence sur la fascination qu’exerce le milieu du crime et ses "stars", Blood Ties évacue tout propos au profit du polar pur et dur, mais dont la fin n'échappe pas à l'influence hollywoodienne alors que l'original préférait la cohérence du récit, à une fin "heureuse".
La BO fait la part belle, on s’en doute, au top 50 des années septante, néanmoins trop artificiellement impliquée, elle désert plutôt que de servir le récit. Petite déception.
Ne vous y trompez pas, même si le film n’est pas parfait, Guillaume Canet réussi son exercice de style, d’autant que le frenchi fait honneur à la formidable décennie que sont les années 70 pour le cinéma américain : Recherche d’un grain particulier, d’authenticité dans les décors naturels (il a passé des heures à salir les rues de New-York). Le cinéma de Lumet, Peckinpah ou encore Cassavettes est indéniablement la très bonne référence de Canet sur ce film.
Si le concept du remake reste toujours assez discutable, il faut reconnaitre que Blood Ties est un bon film, un film américain à l’accent forcément exotique qui lui donne tout son sel.
À voir dès le 30 Octobre 2013
Tanguy Le Contacter la rédaction. Commenter .