Dans le labyrinthe pictural de Robert Indermaur. Une expo fascinante à voir à Zurich.
Il suffit de passer le coin de la rue, et c'est là, de l'autre coté du mur.
La rue de la Neustadtgasse dément son nom en filant à l'horizontale, derrière la cathédrale, en plein vieux quartier de Zurich, pour déboucher sur la roide rampe pavée de la Trittligasse, et c'est là, à trois pas en contrebas, qu'une porte de verre débouche sur un autre monde à la fois étrange et fascinant, d'une déroutante beauté mêlée d'effroi. Tel étant l'uivers de Robert Indermaur dont la galerie Trittli de Werner Frei présente ces jours une trentaine de peintures et de sculptures récentes, bien représentatives des diverses composantes de l'oeuvre de l'artiste grison (né en 1947 à Coire), à la fois poétique et ludique, contemplative et dramatique, baroque et comique aussi. Dans l'espace restreint à deux niveaux de la galerie, ce saisissant ensemble de visions de Robert Indermaur fait littéralement éclater les murs, alors que la variété des thèmes et des climats de ses toiles se trouve comme dépassée par l'unité organique du regard de l'artiste évoquant à la fois l'expressionnisme (on pense plus précisément aux descendants d'un Böcklin, du côté de Grosz ou d'Ensor) ou le réalisme poétique d'un Varlin, le grotesque théâtral d'un Dürrenmatt ou les féeries douces-acides d'un Fellini - ce n'est pas par hasard que je mêle divers modes d'expression artistique...
Un immense paysage hodlérien, d'une parfaite fluidité de touche, amorce au sous-sol ce qui pourrait être le départ (ou l'arrivée) de la rêverie proposée par cet ensemble oscillant entre douceur (cette barque posée comme une plume sur un fleuve surréellement jaune sillonnant à la verticale) et véhémence théâtrale, paradoxes visuels et autres fantasmagories oniriques. La liberté du peintre est accordée à celle du rêve, dans lequel tout est possible, comme au jeu. Mais celui-ci n'est ni gratuit ni jamais innocent.