Depuis son gîte, il suivait ses déplacements. Il avait une sensation de liberté rarement éprouvée par un homme de sa condition, enfermé jour et nuit qu’il était. Les grandes étendues de glace et de neige défilaient sous ses yeux ébahis. Captif de cette beauté, il restait ébahi des heures durant. Aux glaciers se succédaient les montagnes, les vallées. Partout, ce blanc immaculé, où nul individu ne se risquait. Il en oubliait régulièrement sa mission première, mais n’en avait cure. Personne ne venait jamais le rappeler à ses obligations. Personne ne venait le voir tout court, d’ailleurs. Il se sentait à la fois maître et captif, et ce régime lui convenait parfaitement.
Son seul et unique sujet était sa porte vers la liberté, celui qui le sortait de son état. Il ne le voyait jamais, mais il était ses yeux. Celui par qui le monde extérieur devenait à la fois visible, réel, palpable. Son ombre parfois se dessinait subrepticement sur la glace, rappelant ainsi sa modeste condition et sa présence. Quatre ronds liés entre eux apparaissaient alors, et lui semblait toujours qu’une marque indélébile souillait à jamais le sol.
Alors qu’une fois de plus il apercevait cette fameuse ombre, son regard fut attiré par une grande ligne sinueuse traversant la neige. Après l’avoir suivie sur une courte distance, il aperçut une colonne d’ombres qui semblaient progresser lentement, sereinement. La réalité le rattrapa brusquement dès lors qu’il les vit. Le maître cédait sa place au captif. Il sut dès cet instant que « les autres » avaient vu la même chose que lui. Et qu’ils avaient probablement déjà lancé leurs engins. Il préféra ne pas s’attarder sur ces pauvres hères sur le point d’être rayés de la carte dans l’anonymat le plus complet. Préférant ne rien voir ni savoir, et pour ne pas se sentir complice, il parti vers d’autres étendues blanches.
Amis, oyez, le grand Nicolas Jaar sort un album qu’il est vachement bien avec Darkside. On se souviendra que ce blanc bec n’a que 23 ans avant d’apprécier.