La Commune : Interruptions, incises – des conditions de vie à la fin du XIXe siècle

Publié le 03 novembre 2013 par Deklo

Lara Almarcegui - Untitled, 2013

[Notes : Revenir sur la pénurie de vivres pendant le siège.

 

  Les marchands manquaient-ils de denrées ou spéculaient-ils ?

  Citer cet article du journal l’Illustration[1] : « A peine avait-on levé le décret qui réquisitionnait les pommes de terre, que des sacs de ce précieux tubercule affluaient aux halles. A peine avait-on publié la première note relative à l’armistice, que les pavillons se garnissaient de marchandises de toutes sortes, et à la veille de voir arriver les vivres on osait demander un franc pour un œuf, 30 fr. pour un lapin, et ainsi de suite. Honte à ces peseurs d’or qui, devant une population affamée, n’ont pas senti remuer leurs entrailles ! »… Et d’insister : « ils étaient grandement coupables, ces marchands sans vergogne, ces vendeurs éhontés qui, n’ayant d’autre dieu que l’or, n’ont pas craint de spéculer sur la misère publique et la faim du pauvre ».

  Est-ce à dire que les vivres restaient stockées dans les greniers pour organiser la pénurie et faire monter les prix ? On peut penser aussi qu’on tentait de répartir les denrées pour une durée du siège qui restait cruellement indéterminée… Sentant la fin du siège approcher, on pouvait ouvrir les réserves…

 

  Rappeler le témoignage de Jacques-Henry Paradis qui, au 17 septembre 1870, dès les premières affiches de la Ville invitant à faire des provisions, remarque qu’ « A peine cet avis est-il donné que, dans certains quartiers, tout augmente de cinquante pour cent ; les marchands, profitant de la panique générale, spéculent honteusement… »[2].

 

  Citer une circulaire de Bismarck adressée aux agents diplomatiques de la Confédération du Nord, dans laquelle il est écrit : « Comme nous avions entièrement cerné la ville, nous ne pouvions permettre l’entrée de nouveaux approvisionnements qu’à la condition qu’ils n’affaibliraient pas notre position militaire et ne prolongeraient pas le temps nécessaire pour réduire la ville par la famine… »[3]. Les Prussiens ont, pour des raisons évidentes, intérêt à affaiblir Paris… Pour autant, mettre en parallèle avec cette citation du journal le Rappel, daté du 5 février : « Un marchand ambulant qui voiturait des pommes de terre, hier matin, rue d’Argout, a été pillé par la foule et maltraité. Ce n’était pas, cette fois, l’énormité du prix qui avait ameuté les passants ; car il offrait le boisseau pour la somme invraisemblable de deux francs ! Mais on a supposé qu’il avait obtenu ces pommes de terres des Prussiens, qui, comme on sait, en vendent aux avant-postes. »[4].

 

  Noter cette curieuse phrase dans un bouquin sur le gouvernement du 4 septembre et la Commune : « Et cependant, s’il faut en croire un document publié sans être démenti, et qui émanerait de sa chancellerie, elle [la Prusse] ose accuser le gouvernement de la défense nationale de livrer Paris à une famine certaine ! Elle se plaint d’être forcée par lui de nous investir et de nous affamer ! »[5]. Remarquer que la citation ne prouve rien : les Prussiens peuvent faire montre de cynisme en accusant des Français qui ne capitulent pas assez vite pour lever le siège.

 

  Le Cri du Peuple va plus loin et accuse les membres du Gouvernement, Favre, Garnier-Pagès, de s’être enrichis en spéculant sur les vivres, pendant que Ferry (membre du gouvernement et maire de Paris)  « entravait l’approvisionnement » et « répandait la famine »[6].

 

  Marx prolonge l’accusation et s’en prend à Ferry : « Jules Ferry, avocat sans le sou avant le 4 septembre, réussit comme maire de Paris pendant le siège, à tirer par escroquerie une fortune de la famine. »[7].

  Mettre en parallèle avec ce point qu’on trouve dans un portrait de Ferry quant à ses ressources dues à la gestion de la fortune de son père : « l’affection de son frère Charles qui se voue à la gestion de la fortune familiale et n’hésite pas à subvenir aux besoins de son illustre frère, lui ôteront tout souci de caractère matériel… »[8]. Ne pas conclure… Poursuivre les recherches…

 

  S’attarder sur Ferry, qui se charge d’organiser la collecte et la distribution de l’alimentation, achète aux cultivateurs de la banlieue, fait distribuer la viande par le ministère du Commerce, qui charge les mairies de les répartir, et la farine par la Caisse de la boulangerie[9]. À partir de janvier, il met au point le rationnement, et le rationnement ne peut être que privation de toutes façons, à 30 grammes de viande par jour et par personne et 300 grammes « d’un pain qui n’a plus que 25% de farine »[10], puisqu’il oblige les boulangers à procéder à des mélanges[11]. Il dira : « La population ne me pardonnera jamais ce pain-là. […] C’est le pain noir, le pain de siège, le pain Ferry comme on l’appelle. J’en porte le fardeau. Le rôle que nous avons rempli était un rôle sacrifié d’avance, nous ne l’ignorions pas. Ce pays n’aime pas les vaincus. »[12]. Remarquer qu’il sera la cible des colères d’un peuple qui l’affuble du surnom « Ferry-famine ».

 

  Enfin relever cette anecdote dans le journal de Francis Wey qui, si elle ne prouve pas la malignité des membres du gouvernement, dénonce leur… comment dire ? impréparation, incompétence ? ou l’immense difficulté de leur tâche ?... : « Le 22 novembre, le gouvernement s'empara de toutes les pommes de terre et se chargea de les vendre à la halle aux détaillants. Il les déposa donc dans les caves, afin de les ménager, et quand, plus tard, on voulut les distribuer, l'ensemble du stock était pourri. »[13].]

  Ne pas se perdre dans les détails…

INTERROMPRE LE COURS DE L’ÉTUDE POUR FAIRE UN POINT SUR LES CONDITIONS DE VIE À L’ÉPOQUE :

  « Le salaire des ouvriers va de 5 F en moyenne à 3,50 F »[14]. En 1862, dans la confection, exemple qui paraît représentatif, le salaire féminin est passé de 1,70 F à 2,25 F[15].

  25 mai 1864 : « abrogation du délit de coalition et instauration du droit de grève par la loi Ollivier »[16]. Pour autant on a vu le même Émile Ollivier disperser des réunions et procéder à des arrestations[17].

Les syndicats seront autorisés en 1884[18].

 

  Noter que les ouvriers travaillent surtout dans les ateliers : « Seulement 10% des ouvriers travaillent, en 1906, dans des usines de plus de 500 employés, contre environ 50% dans des entreprises de 1à 5 employés »[19].

  Souligner l’importance des corporations et la prégnance d’un socialisme corporatif : « Tout au long du siècle, ‘de nombreux ouvriers conclurent qu’ils n’obtiendraient jamais le produit intégral de leur travail avant d’être parvenus à l’appropriation collective du capital par la corporation ouvrière…’ »[20].

 

  Les femmes.

  « Alors que l’enseignement des garçons comporte fort peu de rudiments professionnels, les filles reçoivent dans les écoles-ouvroirs des religieuses une éducation professionnelle au premier chef. Dressées aux travaux d’aiguille dès leur plus jeune âge, les écolières se destinent normalement aux travaux de la couture. »[21].

 

  Relever les types de métiers des femmes : « à la fin du XIXe siècle, les métiers de la mode et du vêtement sont exécutés par 87% de femmes, la domesticité est féminisée à plus de 81%. » Ne pas oublier cette précision, pour la saveur de la chose : « Et nul ne critique que ces tâches soient déléguées essentiellement à des femmes ; au contraire, toute ménagère les exécute quotidiennement dans le domicile conjugal. »[22]. Noter que sur une année les périodes de chômage (pouvant aller jusqu’à 4 mois pour certaines), de faible travail (4 ou 6 heures par jour) alternent avec des journées lourdes (13, 15h)[23]… Ajouter que les ouvrières sont payées à l’heure dans ces ateliers…

 

  Sur le travail des enfants, noter ces phrases :

  « les entrepreneurs recourent aux enfants exactement comme ils font appel à la main-d’œuvre féminine : pour faire baisser les salaires. »[24].

  « La bourgeoisie industrielle du XIXe siècle considère aussi que l’emploi d’enfants est un facteur de paix sociale (elle évite la délinquance et l’ ‘oisiveté’) et une manière d’aider les familles d’ ‘indigents’ à survivre. »[25]

  « vote de la loi de 1841, qui interdit l’embauche avant 8 ans dans l’industrie, limite le travail à huit heures entre 8 et 12 ans et à douze heures entre 12 et 16 ans… » Et d’ajouter : « Cette loi a toutefois peu d’impact. »[26].

 

  Les enfants sont employés par exemple dans les filatures « à déballer et éplucher les balles de coton, carder la laine, dévider les écheveaux, bobiner… »[27]. Mais ils sont aussi embauchés dans les mines de charbon où « en surface, les enfants trient, criblent et lavent le minerai, et, « au fond », manipulent les chariots, les portes et les aérateurs »[28]. Noter qu’ils ne peuvent pas avoir la force de retenir un chariot bien trop lourd pour eux.

  Pointer que Jeanne Gaillard remarque « un changement important » à Paris, « acquis au cours de l’Empire : le recours à la main-d’œuvre très jeune, à savoir les enfants de moins de 12 ans, devient exceptionnel »[29]. Remarquer que Zola fait envoyer l’enfant du personnage de l’Assommoir en Province pour travailler…

 

 Notes éparses sur les conditions de vie.

  « un arrêté du 20 avril 1853 institue un service médical gratuit à l’échelon de la capitale », intégré « aux organismes locaux (conseils d’hygiène, commissions des logements insalubres)… » [30]

  La journée de travail est de 12 à 14 heures. En prévision des périodes de chômage, l’ouvrier doit amasser des économies[31], si tant est qu’il le puisse… Le chômage peut être du à la fluctuation des demandes : pour les couturières, il peut atteindre 70 jours l’été[32]… Sans assurance maladie, retraite, assurance chômage, etc. l’ouvrier ne trouve crédit qu’en gageant ses quelques objets précieux au Mont-de-Piété[33].

  Au sujet des vacances, prendre appui par exemple sur les mémoires de Louise Michel, institutrice donc, qui raconte qu’elle ne pouvait pas rendre visite à sa mère : « on n’a que huit jours, dans les externats, sous peine de perdre ses élèves… ». Et d’ajouter : « Et puis, comment ferait-on pour le terrible loyer s’il se trouvait un mois sans recette ? »[34].

  Relever une autre anecdote quant à la place des femmes y compris dans les milieux de gauche : « J’avais eu plusieurs fois l’occasion de remarquer qu’en jetant dans la boîte d’un journal quelconque des feuillets signés Louise Michel, il y avait cent à parier contre un que ce ne serait pas inséré ; en signant au contraire Louis Michel ou Enjolras, la chance était meilleure. »[35]. On sait que pour les mêmes raisons Victoire Béra pris les noms de ses deux fils et se fit appeler André Léo pour écrire[36]

  Sur les actions concrètes menées par les… comment dire ? résistants républicains ? noter ce passage : « Nous avions, les dernières années de l’Empire, une école professionnelle gratuite rue Thévenot ; chacune de nous y donnant quelques heures, trois fois par semaine, et la Société pour l’instruction élémentaire se chargeant du loyer… »[37]

  Aborder la coopérative alimentaire « La Ménagère » fondée en 1866, par Varlin, Nathalie Lemel et quelques autres, où celui-là, président, « supervise les achats et, de concert avec d’autres sociétés coopératives, il se bat pour obtenir des réductions, aussi minimes soient-elles »[38]. A noter, pour l’anecdote, que son successeur tapera dans la caisse l’obligeant à reprendre la direction… Puis la création de « La Marmite », par la même équipe, une « cuisine coopérative, sorte de pension de famille où les ouvriers célibataires pourront prendre leurs repas à un prix abordable et se retrouver entre eux »[39].

  Noter que la rudesse des conditions n’empêche pas une certaine gaité. Relever par exemple les nombreuses « farces » auxquelles se livrent Louise Michel qui un jour colle une affiche républicaine sur le dos d’un sergent de ville[40] ou les histoires loufoques qu’elle raconte à un bureau de placement pour moquer les bourgeois[41] ]



[1] Note : retrouver la date de publication…

[2] Jacques-Henry Paradis, Le siège de Paris, Paris, 1872, p. 11.

[3] G. Heylli, Jules Favre et le comte de Bismarck : entrevue de Ferrières, Paris, 1870, p. 43.

[4] Le Rappel, 5 février 1871, p. 2.

[5] Émile Andréoli, Le gouvernement du 4 septembre et la Commune de Paris, 1870-1871, Paris, 1871, p. 92.

[6] Le Cri du Peuple, 27 février 1871.

[7] Karl Marx, La Guerre civile en France, p. 35.

[8] S. Bernstein in Les opportunistes : les débuts de la République aux républicains, dir. : Léo Hamon, éd. De la maison des sciences de l’homme, 1991, pp. 260-261.

[9] Jean-Michel Gaillard, Jules Ferry, éd. Fayard, 1989.

[10] Jean-Michel Gaillard, Jules Ferry,

[11] Antoine Nguidjol, Repenser l’héritage de Jules Ferry en Afrique Noire, éd. L’Harmattan, 2008, p. 12

[12] Cité par François Roth, La Guerre de 70, éd. Fayard, 1990.

[13] Francis Wey, Chronique du siège de Paris, 1870-1871, Paris, 1871, p. 219.

[14] Jeanne Gaillard, Paris, la Ville (1852-1870), éd. L’Harmattan, 1997, p. 293.

[15] Ibid. p. 294.

[16] Fiche Wikipedia, Droit de grève en France, en date du 3 juin 2013.

[17] Cfpar ex les Annales du Sénat et du corps législatif, séance du 8 février 1870.

[18] Wikipedia, Droit de grève en France, op. cit..

[19] Jean-Michel Gourden, Le Peuple des ateliers, éd. Créaphis, 1992, p. 53.

[20] citant B. Moss, Aux origines du movement ouvrier français, ibid., p. 122.

[21] Jeanne Gaillard, Paris, la Ville, op. cit., p. 293

[22] Roger Colombier, Le travail des femmes autrefois, ed. L’Harmattan, 2012, p. 91.

[23] Ibid., p. 92.

[24] Jeanne Gaillard, Paris, la Ville (1852-1870), éd. L’Harmattan, 1997, p. 300

[25] Bénedicte Manier, Le travail des enfants dans le monde, éd. La Découverte, 2011, p. 9.

[26] Ibid., p. 10.

[27] Ibid., p. 8.

[28] Ibid., p. 9.

[29] Jeanne Gaillard, op. cit., p 296.

[30] Jeanne Gaillard, Paris, la Ville, op. cit., p. 249.

[31] Cf par ex Daniel Vasseur, Les Débuts du mouvement ouvrier dans la région Belfort-Montbéliard, Institut d’études comtoises et jurassiennes, p. 36.

[32] Roger Colombier, op. cit., p. 92.

[33] Cf par ex l’extrait d’un texte de l’Internationale cité par Jules Claretie, Histoire de la révolution de 1870, Paris, 1872, p. 94.

[34] Louise Michel, Mémoires de Louise Michel écrits par elle-même, Paris, 1886, p. 85.

[35] Ibid., p. 99.

[36] Fiche Wikipedia André Léo, en date du 12 juillet 2013.

[37] Louise Michel, op. cit., pp. 147-148.

[38] Michel Cordillot, Eugène Varlin : Chronique d’un espoir assassin, les Éditions Ouvrières, 1991, p. 46.

[39] Ibid., p. 47.

[40] Louise Michel, op. cit., p. 155.

[41] Ibid., p. 149.