On est immédiatement saisi, à la lecture du premier roman de Pierre Crevoisier, par une scène initiale cinématographique de tournure évoquant le crash d'une voiture lancée, sur une route perdue, contre un poids lord forcément fatal - et forcément on pense à ce qu'un romancier soucieux de style éviterait d'appeler "un geste désespéré". Or on y coupe en l'occurrence, avant d'entrer dans le roman dans la foulée de Jacques, le fracassé du prologue, photographe en vue qui en a vu d'autres mais que frappe, un jour, la seule vue d'un manteau rouge passant par là au coin de la rue Baudelaire...
La première qualité de ce premier roman est aussi bien son énergie narrative, qui fléchira parfois mais se trouve relancée par le montage d'un récit à plusieurs temps ou strates, tous marqués par la violence et la passion, les fantasmes de l'amour et les vertige de la destruction.
La destruction est d'abord celle d'une enfance, dans un quatuor familial plombé par la brutalité insensée du père, dont on ne saura rien des tenants. Or cette violence paternelle déterminera fortement les faits à venir dans le roman, que le lecteur découvrira en même temps que Vincent, frère du fracassé qui enquête sur la cause de la mort de celui-ci et parcourt le labyrinthe de sa vie par le truchement de ses carnets retrouvés.
Roman du dévoilement par sa structure même, Elle portait un manteau rouge est aussi celui de la passion, d'abord incandescente puis destructrice, sur fond de fascination érotique et de guerre des sexes. Pas un moment de répit là-dedans, mais le roman prend corps, révélant un écrivain...
Pierre Crevoisier. Elle portait un manteau rouge. Editions Tarma, 2013.