Notes en chemin (72)
On sourit en se rappelant la notion quelque peu solennelle depays réelforgée au début du siècle passé (le XXe siècle, n'est-ce pas...) par certains nationalistes français, comme si la réalité des choses et des gens devait être requalifiée par les mots de l'idéologie. Or, traverser la France des gens et des choses dans une voiture japonaise, alors que les Chinois débarquent un peu partout et que les Américains se posent en juges universels sur des bases d'argent, de pouvoir militaire et de morale à la petite semaine, est une bonne façon de revenir au réel du pays de France à nul autre pareil.
Notre hôte, débarquant de Dijon, n'a pas eu moins de peine à se faire admettre des bourgeois de Saint Honoré que n'importe quel étranger en rencontrerait s'il s'avisait d'affronter les vieilles tribus hôtelières de Zermatt, mais son accueil à lui fait la différence, et sa cuisine aussi, son intelligence de la relation humaine - tout cela qui ne saurait se formater par les temps qui courent.
Pierres et terres. - De la pierre de Bourgogne au tuffeau d'Anjou dans lequel, le long de la Loire, avant et après Montsoreau se découvrent de ravissants villages à parties troglodytes, l'on effeuille les couleurs du pays réel comme sur un nuancier délicat et changeant, qui se prolonge sur les toits et par la forme des maisons, entre bocage bourguignon, forêts domaniales immenses aux demeures secrètes (on pense au Grand Meaulnes en traversant la Sololgne) et flamboiements dorés des vignes de Seuilly, où révérence s'imposait à La Devinière de l'insupérable Alcofribas Nasier, dit Rabelais. Telle est la France, un peu cafardeuse le soir dans les petits bourgs, à croire que la culture des cafés s'est perdue, et qu'on retrouve bien vivante et gouleyante à l'étape, au bord du Louet, devant telle table gargantueuse à souhait...