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Fonctionnaire RMIste à temps complet

Publié le 12 novembre 2013 par Despasperdus

Le débat sur la fiscalité me rappelle une vielle anecdote de boulot d'avant l'euro.

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Au centre de tri, il y avait un vieil original, la clope au bec qui devait avoir dans les 50 berges mais en faisait au moins 10 de plus avec les années de nuits à trier les petites et les grosses debout devant un casier, ou à fourguer des caissettes de lettres sur le tapis roulant dans le vacarme de la trieuse automatique, plus la picole sans excès mais avec régularité.

Ce collègue vivait chez sa mère à cent bornes de là. Quand il faisait les nuits à un rythme de 2 nuits sur 4, il ne rentrait pas. Il dormait et vivait, été comme hiver, la moitié de son temps, dans une camionnette sans âge sommairement aménagée, très loin du confort d'un mobile-home bas de gamme, garée sur le parking du CTC. Il faisait sa toilette au taff qui disposait de douches spartiates et prenait ses repas à la cantine.

Vous vous doutez bien qu'il n'avait pas vraiment choisi cette situation. Il vivait avec ce que lui laissaient les impôts, c'est-à-dire un RMI. Le reste de son traitement de fonctionnaire allait directement dans les caisses de l'Etat ! Le fisc lui était tombé dessus parce qu'il n'avait pas payé ses impôts pendant quelques années. Il expérimentait ainsi le prélèvement à la source.

Anar indécrottable, il refusait de payer ses impôts. Il ne voulait plus contribuer au financement des conneries étatiques, l'armée, les ronds-points, les autoroutes, les notables, les bâtiments fastueux et tout le toutim. Et, quand je lui disais que les impôts contribuaient au financement des services publics, il me rétorquait qu'il payait déjà la TVA pour ça et ne regrettait rien, même s'il devait vivre quelques années dans ces conditions. Il en était même fier !

Bref, je le regardais un peu comme un extra-terrestre, alors que mes collègues intérimaires et moi courrions après les vacations...

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Après la sinistre réforme de la Poste de Rocard qui est un modèle de réforme pour les néolibéraux de tous poils, ce collègue, qui était au niveau intermédiaire de la catégorie C de la fonction publique, gagnait à peine 8000 francs par mois en incluant les deux primes annuelles de 2400 francs versées en juin et en décembre... Je ne sais pas à combien s'élevait le manque à gagner pour l'Etat mais il m'a semblé à l'époque que son redressement fiscal était particulièrement rigoureux, voire inhumain. Certes, j'admets que tout fraudeur fiscal doit payer mais à ce point-là...

Je doute que les fraudeurs fiscaux de l'oligarchie, comme Cahuzac, subissent des redressements fiscaux aussi sévères que mon collègue. Si le fisc et la justice leurs laissaient juste un SMIC, ils auraient déjà l'impression de vivre dans la rue, non ? Mais entre gens importants, il parait que les compromis gagnant-gagnant sont habituels...

De ce cas qui date de près de 20 ans, j'en retire que le ras-le-bol fiscal existait déjà, et que les choses ont empiré depuis avec les cadeaux fiscaux au patronat et à l'oligarchie.

Dans une société démocratique où le peule décide vraiment de la politique à conduire pour le pays, la fiscalité ne serait pas aussi injuste socialement qu'elle l'est aujourd'hui, et surtout elle ne financerait pas des projets douteux tels que les PPP ou des entreprises qui délocalisent, ni une agriculture intensive polluante d'un modèle productiviste à bout de souffle. Il est temps de marcher à l'appel du Front de gauche pour la révolution fiscale.


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