Notes en chemin (73)
Notre compère Beaupère. - C'est une expérience étrange, et parfois révélatrice, que de voyager en saison dite basse. On est alors comme dans un théâtre désert. Ou comme en coulisses. Mais avec un regard neuf sur le décor et les quelques gens qui restent là...
Ce matin, ainsi, nous restions seuls dans le château de Pélavé, à Noirmoutier, dont nous étions les derniers clients avant sa fermeture. Confiant comme pas deux, sur la seule foi de nos accointances découvertes depuis la veille à peine (une commune expérience de l'enseignement, découverte par ma bonne amie, et notre passion partagée pour la littérature et le non-conformisme), le fringant maître des lieux, Gérard Beaupère, nous avait laissés seuls en son majestueux logis, étant occupé dans la journée et nous priant juste de fermer l'hôtel à sa place...
Et le bistrot français ? - Et puis c'est par Gérard Beaupère, aussi, que nous est venue l'idée de faire escale, après Noirmoutier, dans le marais poitevin où nous sommes arrivés en fin d'après-midi après deux heures d'autoroute meublées par la lecture d'une extravagante nouvelle d'Alice Munro,La vierge albanaise, et ensuite par le constat décidément consterné, amorcé depuis le début de notre traversée des arrière-pays de France, du fait que le bistrot de village, le troquet de bourg, le café de bourgade s'y fait de plus en plus rare.
De Coulon où nous avons d'abord débarqué, y ayant réservé une chambre en bord de rivière, à Niort la ville la plus proche: rien qui ressemble à ce qu'on puisse dire un café, pas un troquet, pas un bistrot ! Et tant de volets fermés sur la rue. Mais par Gargantua qu'arrive-t-il donc aux Français ? nous sommes-nous demandés, jusqu'à repérer, enfin, ce bar-tabac à journaux enfin accueillant où nous avons pu nous désaltérer en prenant connaissance des nouvelles de la région et de ce titre d'abord en tête d'une page de La Nouvelle République: Un cheval tombe dans une piscine...
En passant, nous n'avons pas moins été sensibles à la beauté du lieu, au silence le long de la rivière, aux reflets limpides des arbres dans les barques reposant parfois sous l'eau, à l'empressement enfin du jeune patron de La Pigouille, tout à côté, à nous servir de l'anguille grillée arrosée d'un bon vin de pays au ton de rubis...
Images JLK: château de Pélavé; Lady L. au breakfast; Gérard Beaupère; barque le long de la Sèvre.