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Vingt-quatre mille pièces

Publié le 13 novembre 2013 par Ctrltab

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Un chagrin d’amour, contrairement à ce que l’on croit, ce n’est pas du chiqué. Je veux dire, la réaction physique est réelle. Pour un vrai, bien sûr. Des études scientifiques l’ont prouvé. L’effet de manque est comparable à celui que ressent le cocaïnomane que l’on prive de sa dope. Ensuite, n’essayez pas de compter. Que votre histoire ait duré un jour, une semaine, un an ou une éternité, elle a déjà été bien trop longue et vous allez en baver. Sérieusement.

Moi, je me suis rendue en pharmacie. J’ai décrit, bon enfant, les symptômes : je me réveille en hurlant, je ne sais d’ailleurs pas comme je fais, puisque je ne dors plus la nuit, je ne mange plus, je chie pourtant mélasse, les ponts me donnent des ailes, les rails m’électrisent, la mer a désormais un goût fade, le froid ne me mord plus, le chaud non plus. Je file un mauvais coton, aidez-moi. A la pharma, le type m’a écouté gentiment, il m’a félicité : « vous êtes au niveau le plus élevé sur la dégringolade amoureuse. Mais il n’y a nullement à s’inquiéter, tout se guérit dans la vie. On a ce qu’il faut pour vous : un puzzle de 24 000 pièces. Ca devrait bien vous tenir trois mois. La notice est simple : dès que vous avez un instant de libre, vous l’emboîtez. Quand vous aurez terminé, venez nous rejoindre si jamais.

- Ca ne sera pas assez.

- Vraiment ? Vous avez vu la gueule du puzzle ? Il est entièrement blanc. Personne n’est jamais revenu de celui-là. Je vous assure, il bouche les trous à tout jamais. »

J’ai payé. Je suis sortie. En pièces détachées. Prête à en recoudre.


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