​Marie-Claire Maison, sors de ce corps

Il n’y a pas vraiment d’histoire. Plutôt une conjoncture. L’année a été silencieuse mais chargée. Et là, ça retombe un peu. C’est bien pratique, le temps. Pour ruminer et faire des trucs.

Le lieu, d’abord. Fini Paris. Toujours amoureux de la plus belle, pas d'inquiétude. Les plus belles années. Pas de départ grandiloquent en maugréant. Mais nouveau coup de coeur: Nantes. Découverte en avril, lors d'un séjour pour le boulot. Un mois de turbin, donc quelques week-ends. Sans s'en rendre compte, un sentiment de bien-être. Pas de folles nuits pourtant. Ni de grandes virées à travers la ville. De simples déambulations. Peut-être un truc dans l’air du coin.

Décision prise fin avril, au moment de quitter la ville. Un ou deux allers-retours plus tard, un lieu de vie dégoté. Emménagement fin juillet, pendant les congés payés, après la session de taff parisienne.

Le lieu de vie, donc. Autre élément conjoncturel. Une toute petite bicoque planquée en fond de cour. Vingt mètres carrés de verdure privative sur le pas de la porte. Un laurier de six mètres de haut sert de barrière naturelle entre la terrasse du voisin et le bout de verdure susnommé. Une toute petite bicoque qui fait office de bureau, atelier, chambre, cuisine et garage à vélos.

Poser à la bombe - Ne rien revendiquer

Les vélos, justement. +1 pour la conjoncture. Le blanc d'abord. Le vélo du quotidien, des courses à pépé avec son porte-paquet avant. Immense, élancé, hyper maniable. Crade, esquinté, le pédalier qui grince comme un genou d'octogénaire à l'automne. Acheté chez Cyclopouce, au bord du Canal de la Villette, au pied du pont de la Petite Ceinture qui passe par là. Puis un rapide détour par la case Pimp. Pour lui, en fond de stationnement vertical suspendu, un élégant patchwork de tout et n'importe quoi: LE SYSTÈME MUSCULAIRE, affiche d'école dégotée à Montpellier, chez une vieille dame vendeuse de vieilleries, sur l'esplanade entre la Place de la Comédie et le Corum; gribouillis du haut et grandes phrases du bas, respectivement les N°6 et 10 d'Infra, revue d'art & galerie de poche (Merci à Emma Cozzani pour ce cadeau); le machin noir à traits argentés, programme-poster du festival Sonorités, piqué à la Panacée; rondouillard langue pendue, catalogue-poster de Cinelli, fabricant de petites reines; cartes postales de Vivian Maier et Tribal Act, respectivement immense photographe de rue américaine et salon de tatouage & piercing de Paris; planquées au milieu, presque imperceptibles, un sticker du Parrain de Coppola, une constellation d'Aleteia et une babiole du dernier numéro de Colors, Looking at Art. Au final, comme annoncé, un élégant patchwork de tout et n'importe quoi. Le tout tient par une opération du Saint Esprit, épaulé par le Prophète, sous l'oeil bienveillant de Bouddha. Et à l'aide de scotch double face de poseur de moquette flemmard, de gaffer noir de technicos audiovisuel et de chatterton un brin malsain.

Poser des bombes - Ne rien représenter

Sur le mur d'en face, il y a l'autre vélo. Le noir. Celui du dimanche, pour la p'tite ballade en famille sans famille. La machine à pointer du cul, les mains fermement agrippées sur l'étroit guidon. Ultra léger, Single speed équipé de frein arrière uniquement (c'est très drôle en freinage d'urgence et çà coûte un bras en pneumatiques - cause dérapage puéril systématique). Pour celui-là, en fond de stationnement horizontal suspendu, une ravissante mosaïque de pages de nuancier de grossiste en peinture. Ça n'a pas l'élégance d'un poster à dix mille de chez Pantone mais ça fait grave la blague. Du double face pour l'opération du Saint Esprit & Cie, du gaffer blanc pour la bordure.

Pour l'un comme pour l'autre, de loin, tout va bien. De près, ça gondole un peu. Pas mal d'irrégularités dans le collage - manque de précisions de mains humaines un peu maladroites. Délicieuses imperfections de l'amateurisme.

Conjoncture, donc. L'année de turbin se termine, le chômage revient avec l'hiver.

Le temps. Faire des trucs.