Les présents du passé

Publié le 20 novembre 2013 par Jlk

Notes en chemin (80)

Voyageurs du temps. - À la fin d'un des plus beaux romans épiques qui soient, intituléMigrations et constituant le chef-d'oeuvre de l'écrivain serbe  Milos Tsernianski, celui-ci conclut sur ces mots: "La mort n'existe pas. Les migrations existent". Or je repensais à cette sentence en déambulant, cet après-midi à Colombres, dans le palais bleu abritant l'impressionnant musée de l'émigration des Asturiens, dit Archivo de Indianos, qui documente la saga des migrations économiques (dans le milieu di XIXe) ou plutôt politiques (dans les années 30 du XXe siècle, dès le début de la guerre civile)  qui ont poussé les natifs des Asturies à chercher fortune à Cuba, en Argentine, au Mexique ou à Porto Rico, notamment.

La formidable bâtisse qui abrite ces archives est un bel exemple de l'architecture indiana, construite par Inigo Noriega Laso en 1906. Le personnage lui-même, parti à 14 ans pour l'Amérique et qui joua un rôle important dans la révolution mexicaine tout en amassant une fortune colossale, est un bel exemple de ces aventuriers-bâtisseurs, ligués, dans chaque pays, en communautés solidaires, et revenus au pays fortune faite.

La Casona de Andrin, où nous créchons ces jours, fut elle-même construite à la fin du XIXe siècle par un militaire revenu d'Amérique du Sud, comme en témoignaient encore force malles et autres objets de voyage retrouvés dans ses greniers. Nous saluons sa mémoire d'un pacifiste garde-à-vous...

  

Admirable Altamira. - On a beau se trouver dans une grotte reproduite à l'identique dans les soubassements bétonnés  d'un vaste musée ultra-moderne: la vision des peintures rupestres et autres graffiti retrouvés, à la fin du XIXe siècle, dans la grotte d'Altamira, ne laisse d'émouvoir par la grâce de ses représentations animales (plus quelques formes anthropomorphiques) datant de 30.000 à 10.000 ans. La datation de ces merveilles a suscité maintes polémiques, autant que l'interprétation de leur fonction et de leur signification, mais on en sait un peu plus au fil des recherches, et par exemple que les animaux peints ne sont pas forcément des animaux chassés...

Pour ce qui me concerne, je n'ai envie que de me taire là-devant, tant je suis touché par ce qu'on peut dire la ressemblance humaine émanant de ces peintures, qui fait à mes yeux de l'Artiste inconnu, voyageant à travers les millénaires d'avant la Préhistoire, le frère occulte des peintres et poètes de tous les temps...   

La Création d'avant la Genèse. - Non sans malice j'ai demandé au jeune guide, francophone et visiblement averti de tous les aspects, artistiques mais aussi techniques de ce patrimoine et de sa préservation, ce qu'en disent les éventuels visiteurs créationnistes du lieu. Alors lui de sourire d'un air entendu, et de se dire indéniablement catholique mais assez humble pour rendre à la Connaissance de science sûre ce qu'on lui doit en l'occurrence, qui n'exclut ni respect devant les rites anciens ni reconnaissance fervente à cet art vraiment premier...