Je suis bien contente de voir que ca continue tout doucement dans ma boite mail cette semaine deux autres récits!
Si vous aussi vous avez envie de faire revivre cette rubrique le samedi ici, vous pouvez m’envoyer votre récit. Je ne censure que très peu. Je veux juste qu’il n’y aie pas de fautes d’orthographe, pas de texte adapté pour les forums avec des kikoos lol et autres smileys. Vous pouvez m’envoyer une photo de préférence avec un gros plan sur votre ventre, des mains, des petits petons pour garder l’anonymat. Vous pouvez m’envoyer tout ça à madameparle@yahoo.fr
Cette semaine je laisse la place à Elsa.
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Je m’en rappelle comme si c’était hier.
Forcément tu me diras. C’est pas le genre de chose qu’on oublie facilement.
Après huit mois d’essais infructueux, mon gynéco me prescrit une hystérographie, appellation barbare pour une simple radiographie de l’utérus qui, dans mon cas, se révéla une véritable torture.
J’avais eu mes règles dix jours avant de m’allonger sur cette table gelée d’examens radiographiques et cliniques. « Aucun risque donc d’être enceinte, non docteur. » C’est le comble d’utiliser le terme risque alors que je rêvais de décrocher ma chance de sentir un petit être en construction dans mon ventre.
A peine le docteur eut-il introduit ses outils au bon endroit que je me suis sentie partir, une vive douleur irradiant mes entrailles jusqu’au cœur. Je n’ai pas compris ce qui m’arrivait d’autant qu’avec mon passé et mes antécédents, je ne suis pas réputée être douillette.
Un mois s’écoule et pas de nouvelles règles en vue… Mon sang (si je puis dire) ne fait qu’un tour, hop, je file toute excitée dans la première pharmacie acheter un test de grossesse en reluquant les produits premier âge au passage, je rentre chez moi en trombes, je ne peux pas attendre le lendemain pour savoir.
Le test est positif. Je suis la plus heureuse ce soir-là. neuf mois que j’attendais, et voici qu’une petite grenouille a décidé d’élire domicile chez moi. des larmes d’incrédulité, des larmes de nervosité, des larmes de bonheur.
La traditionnelle prise de sang est faite aussitôt le lendemain et j’appelle deux jours après pour connaître les résultats. On sait jamais, avec les tests, la prise de sang, elle, est décisive.
La dame m’annonce « oui Madame, vous êtes enceinte, mais de plus de six semaines déjà. »
Et là.
Patatras.
Je rembobine les six dernières semaines et je comprends soudain que j’étais enceinte lors de mon hystérographie. Je comprends que c’est pour cette raison que j’ai eu si mal. Je comprends qu’avec les rayons x, mon corps est en danger. Je comprends que les larmes qui coulent à ce moment-là ne sont plus des larmes de joie. Je comprends qu’il me faut prendre une décision. Rapidement. Agir sereinement. Rester confiante. J’appelle immédiatement le centre radiologique pour leur expliquer la situation. « Non, les règles que j’ai eu avant de venir pour pratiquer cette radio de malheur n’étaient pas de véritables règles, sans doute ce qu’on appelle des règles anniversaires ». « Préparez-vous au pire Madame ». Cette phrase résonne et résonne encore, tape contre mes tempes. J’arrête alors de vivre. Je ne veux plus respirer. La petite brindille en moi respire à ma place.
La veille de Noël, le centre de radiologie m’appelle. Je tremble de ces trois semaines en apnée. « j’ai une bonne nouvelle pour vous Madame Antoine. » Là, je peux reprendre ma respiration, comme quelqu’un aurait fait partie du naufrage du Titanic et serait remonté soudain à la surface par l’opération du Saint-Esprit.
Saut dans le temps, après huit mois de grossesse rêvée, apaisée, mon ventre au cœur de toute mon attention, ma biboutte décide de frapper à la porte de secours pour rencontrer son papa.
Nous sommes un vendredi, il me reste 28 jours avant mon terme. Tout se passe comme dans le monde des Bisounours. Aucune contraction, aucune vergeture, je n’ai pris que 7 kilos, ma biboutte est en pleine forme, aucune nausée du premier trimestre, une rétention d’eau à la limite de l’inexistant, des seins parfaitement bombés, une libido au top niveau, une chambre qui l’attend, toute prête et toute jolie.
Je fais donc mes courses dans un hypermarché après avoir déjeuné au restaurant avec mon amoureux. Arrivée dans le rayons produits de beauté, je sens que ma culotte est mouillée… je fuis.
Etrange, mais cela ne m’inquiète vraiment pas, persuadée que biboutte est bien au chaud et ne se pointera qu’à la fin du mois. Nous sommes le 3 juillet.
Je rentre chez moi, un peu gênée tout de même par ces fuites qui ne cessent pas. Je vais donc sur un forum pour en parler.
Bah oui banane, c’est plus facile et plus rapide d’aller sur un forum que d’aller voir ton gynéco.
Normal quoi.
T’es enceinte et tes neurones jouent à cache-cache.
Heureusement, une fidèle du forum me répond en deux secondes trente et me conseille quand-même, car on ne sait jamais, des fois que, d’aller à la clinique pour vérifier.
Bon. Ok. J’ai rien d’autre à faire de toute façon. Alors allons-y.
Hop.
En deux coups de cuillère à pot, je suis dans le cabinet du gynécologue de garde. C’est pas le mien. C’est une femme. J’ai pas l’habitude. Alors nouvelle gêne. Oui je sais, je ne suis pas très normale comme fille.
Je lui dis ce qui m’amène « bah, en fait, j’ai des genres de petites fuites depuis deux heures environ. »
« Allez vers la table. Je vais ausculter votre col. »
Je m’exécute. Je me déshabille.
Et là. A peine en tenue d’Eve que…
Splash !
Tout parterre.
Je me confonds en excuses. C’est terrible. La gêne que je ressentais en entrant dans son cabinet avec mon petit bidon devant moi, est décuplée.
La gynéco s’avère très gentille et me dit « Mais ce n’est pas grave voyons, vous avez simplement perdu les eaux Mademoiselle! » Voilà pourquoi j’ai trouvé subitement qu’elle était gentille. J’ai toujours adoré qu’on m’appelle Mademoiselle !
Je ne réalise pas ce que ça signifie dans l’instant.
Je sais juste que le lendemain j’ai un pique-nique de prévu avec mes copines au parc de Saint-Cloud et que j’ai des sandwichs à préparer qui m’attendent à la maison.
« Bon. et bien, on vous garde. »
« Quoi? »
La gynéco me regarde, incrédule à son tour. « Vous venez de perdre les eaux Madame » (elle m’a appelé comment la vieille là??) « Si vous n’avez pas accouché d’ici 24 heures, on vous déclenche. » Votre bébé est impatient d’arriver on dirait.
Et là. Tout bascule. Tout va très vite. Trop vite pour moi. Je réalise que le soir même ou le lendemain matin, je serai maman. L’émotion me submerge. Je ne sais plus quoi faire ni penser. Je dis juste « Mais, je n’ai pas ma valise avec moi. » Nouvelle gêne. Genre la maman mauvaise élève.
J’appelle une amie, la meilleure. Radio Cancan. Qui passe aussitôt le message aux autres, celles du pique-nique du lendemain, du coup compromis pour moi.
On m’installe dans une chambre où une autre maman dort à coté de sa fille née deux heures plus tôt. Ma voisine de chambre est une athlète, marathonienne, modèle de bravoure.
Elle a accouché de 4 filles.
Impressionnante.
Bizarrement, je ne me sens pas à ma place.
Ce n’est pas le jour qui était prévu.
Tant pis. On ne fait pas demi-tour chez les Antoine.
Quand faut y aller, on y fonce. Même s’il y a un mur en face. On fonce droit dans le mur. Là, le mur, c’est l’inconnu.
Mais ça va. Je suis bien. Il est 22h. J’ai un monitoring qui m’écrase le ventre et rendent totalement coites les sages-femmes de passage dans ma chambre.
A deux heures du matin, je ne dors toujours pas.
L’excitation sans doute.
Ah oui, et les contractions.
C’est vrai que ça maintient bien éveillé ça les contractions.
La tête dans l’oreiller, un seul mot sortira alors de ma bouche le temps que je descende, quatre heures plus tard, en salle de travail : « Putain » en boucle avec un rictus genre « ça fait un peu mal quand-même ».
A 6h, une sage-femme m’accompagne en salle de travail et me laisse découvrir les gadgets de cette pièce toute douillette et rose, comme dans le monde des Bisounours, au seul détail près que mon col se dilate à mesure que les « Putain » concurrencent le volume sonore des salles de travail voisines.
A 6h45, elle revient.
Elle, elle souffre pas. ça s’voit. Elle a eu l’temps de s’maquiller apparemment. Elle me dit « C’est le moment. On va vous piquer. Il ne faudra surtout pas bouger. Sinon vous risquez l’hémiplégie. »
Ok.
Super rassurant.
Une microseconde, je la déteste.
La microseconde d’après, je suis amoureuse de ma sage-femme.
Je vois des papillons, des éléphants roses, des monstres gentils, des étoiles et des cœurs multicolores, je prends un café-clope dans mes rêves, j’arrive presque à m’assoupir, et le papa arrive, il est 7h30, un croissant entamé dans la main gauche et un café Starbucks Tall dans la main droite, tout content de lui.
Je rêve. Il a osé.
Rrrrhh… je joue un peu la comédie pour lui montrer que si si, je souffre d’être une femme à ce moment-là alors que lui peut se déplacer easily sans bidon, sans montée de lait, sans épisio, sans rétention, sans vergetures, sans baby-blues, sans tout ce qu’on nous dit pas avant d’accoucher pour la première fois.
Il passe quinze coups de fil pendant que je meure de faim et que personne ne s’intéresse à moi.
Je me jure d’engouffrer dès ma sortie une marmite de spaghetti bolognaise.
Deux heures et trente interminables minutes plus tard, mon estomac n’est plus. Paix à son âme.
En revanche, ma biboutte, elle, est en grande forme. Il paraitrait que c’est le moment pour moi de pousser.
Ok. Qu’on en finisse !
Je suis prise d’un fou rire lorsque le papa se met à me hurler comme le ferait un supporter de foot dans un stade plein à craquer « Allez, vas-y ! Oui ! Pousse ! »
La sage-femme est déconcentrée elle aussi.
« Euh. Si vous pouviez mettre en veille vos cris de supporters, ça nous aiderait, la maman, le bébé et moi. Merci. »
Je pousse encore une fois, deux fois, et la troisième fois, je la vois.
Elle est là ma biboutte.
Sur mon ventre.
Toute chaude.
Si belle.
Elle ouvre les yeux.
Me regarde.
Nous sommes le 4 juillet 2009, il est 10h31.