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Le carnet d’or / Lessing

Publié le 19 novembre 2013 par Lulamae Barnes @lulamaeA

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La jeune romancière Anna Wulf, hantée par le syndrome de la page blanche, a le sentiment que sa vie s’effondre. Par peur de devenir folle, elle note ses expériences dans quatre carnets de couleur. Mais c’est le cinquième, couleur or, qui sera la clé de sa guérison, de sa renaissance.

Hier soir nous apprenions le décès de Doris Lessing, écrivain qui avait reçu le prix Nobel de la littérature en 2007. Je l’avais découverte par hasard au détour d’une version d’anglais qui parlait de papier velouté et de reliure dorée. J’avais eu envie de lire le reste et c’est comme ça que je commençai le Carnet d’Or. Je vous en parle aujourd’hui parce que ce roman m’a marquée.

La lecture s’avéra bien plus ardue que ce que l’extrait traduit m’avait laissé imaginé de l’écriture de Lessing. Le texte est dense, extrêmement introspectif. Il est tellement introspectif que cela peut dérouter au premier abord. Pénétrer d’abord dans le monde clos d’Anna Wulf, apprendre à la connaître à travers les carnets de différentes couleurs qu’elle tient et dans lesquels elle traite d’aspects distincts de sa vie. Accepter la large place qui est laissée au souvenir, à la mémoire disséquée à la lumière du présent. Je me souviens avoir laissé passer quelques mois entre la première centaine de pages et la seconde. C’était une digression interminable de plusieurs dizaines de pages qui chez d’autres auteurs aurait pu prétendre constituer un roman entier.

Et puis je ne sais comment, j’ai repris ma lecture à cet endroit, comme si de rien n’était et le miracle a opéré.

Ce roman est celui d’une implication totale pour aller au fond des choses et c’est ce qui m’a plu; cette poursuite d’un idéal au delà de soi qui rend l’effort nécessaire et beau.

Ces carnets tenus par le personnage principal sont sans concession et explorent les moindres recoins du souvenir mais aussi du présent, de ces choses que l’ont vit au quotidien et dans lesquelles on a si vite fait de se réfugier pour ne pas avoir à se questionner sur ce qu’on subodore au delà du répétitif et de l’ennuyeux.

C’est un questionnement politique qui n’épargne pas les convictions utopistes déçues : cet aspect politique est fortement ancré dans le paysage historique de l’Angleterre des années 1950 et traite de l’engagement communiste, entre espoirs pour une humanité meilleure et pesanteur politique.

C’est un questionnement féminin et féministe qui interroge la condition de la femme délibérément seule, qui entretient des aventures, mais ne recherche pas la protection que les hommes lui croient indispensable.

C’est un questionnement humain sur la recherche de soi, de sa valeur et de sa propre utilité concrète dans ce monde.

C’est enfin un questionnement artistique sur l’acte de création littéraire, si douloureux pour Anna Wulf qui ne parvient qu’à reproduire des bribes de vie éparses dans ses carnets et qui n’arrive plus à créer quand sa propre vie lui semble si désordonnée et bruyante autour d’elle.

Ce roman est difficile, je ne le cache pas, mais sa lecture nous amène au coeur des choses et nous donne la vision fugace (malgré les plusieurs centaines de pages) de ce qu’une vie vécue pleinement – pas seulement dans le plaisir, mais dans la remise en question douloureuse de ce que nous avons été, sommes et devenons – peut être. C’est extrêmement inspirant.


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