Un mari surpris ...

Publié le 25 novembre 2013 par Dubruel

Dès le lycée, j’étais en fait

Une manière de poète

J’avais écrit un volume de vers,

Mais je n’en vendais aucun exemplaire.

Ensuite, j’ai fondé une revue

…Que personne n’a jamais lue.

Puis, je devins amoureux d’Andrée

Et nous fûmes bientôt mariés.

Elle n’avait cure

Que je fusse romancier.

Elle ne pensait qu’aux affaires

Et aux affaires prospères,

Celles qui procurent

Beaucoup d’argent.

Je lui achetai à Nogent

La Librairie des Mousquetaires

Qui devint vite un salon littéraire.

Les lettrés y causaient

Poésie et politique. On glosait.

Nos habitués étaient Guy Froment

Un grand garçon,

Un beau garçon,

Aux yeux complimenteurs,

Christian Barbet, professeur,

Deux voisins, Labarre et Marcouset,

Et le général marquis Pierre de Brézé,

Chef du parti royaliste,

Soixante-seize ans, héraldiste.

Ma femme dirigeait la vente.

Moi, dans une pièce attenante,

J’écrivais mon premier roman.

Un jour, en allant chez mon éditeur,

Rue du Sacré-Cœur,

Je marchais derrière une dame

Qui ressemblait à ma femme

Mais je pensais : ‘’ Non, que ferait-elle ici 

Puisqu’elle a entrepris à la librairie

Un nouvel aménagement ? 

Ce n’est pas elle assurément…’’

Mais elle se retourna par hasard :

-« Tiens, te voilà, c’est bizarre, 

…J’étais justement venue

À la menuiserie Cornu

Commander nos étagères. »

(Oh, l’affirmation mensongère !)

-« Tu rentres à la boutique ? »

-« Mais oui, mon cher Eric. »

Pressé, je la quittai et partis.

Pourquoi avait-elle menti ?

J’eus alors le vif sentiment

Qu’elle avait un amant.

Depuis, quand je devais sortir,

Je me disais: ‘’Il va venir, le satyre !’’

J’étais jaloux ; aucune hésitation.

Ha ! Comme j’ai regretté l’Inquisition !

J’aurais écrasé ses mains coupables

Dans des étaux redoutables.

J’aurais crié : -‘’Allons, parle, avoue ! ‘’

-‘’Non !’’ Alors, dans l’eau qui bout,

J’aurais plongé ses pieds

Afin de l’estropier à jamais.

Andrée dinant souvent

Avec des clients

Au Relais du Carrousel,

Rue de Seine,

J’ai acheté le maître d’hôtel.

Et je m’imaginais la scène :

‘’J’entrais. Une table de ce restaurant

Séparait les deux amants.

Le coupable était Froment.

À coups de canne, je l’assommais.’’

Mais,

Quand j’arrivais à la brasserie,

Le garçon vendu me répondit

En m’indiquant une porte dérobée :

-« Ils sont là, dans ce salon privé. »

Le serveur me fit entrer :

Andrée n’embrassait

Pas Froment…mais Brézé !

J’en suis resté abasourdi.

Ma femme s’était amourachée

D’un marquis défraichi !

Les femmes se donnent aux jeunes, aux vieux,

Pourvu qu’ils soient riches ou glorieux.