Je ne sais pas si la logique voudrait que seuls les enfants s’en émerveillent, mais moi ça me fait froncer les sourcils d’étonnement à chaque fois. Pourtant à mon âge, ces chaque fois, ça commence à en faire un beau paquet.
En général c’est au moment de la soupe que cela arrive. Je ne suis pas un gros consommateur de soupe non plus, ce qui réduit la fréquence des occasions où mon étonnement se manifeste. Donc, mon bol de soupe est sous mon nez, bol ou assiette c’est kif-kif, je précise pour les pointilleux du détail. Une cuillérée pour papa, une cuillérée pour maman, vous connaissez la rengaine pour que le gamin avale son potage. Souvent au début c’est trop chaud alors on souffle sur le liquide dans la cuillère avant de l’enfourner, en évitant les bruits humides dans la mesure du possible, ces grands « slurp ! » de contentement qui vous font passer pour un plouc, genre Carmet et Villeret dans La Soupe aux choux.
Les cuillérées se suivent, l’assiette se vide, on l’incline pour récupérer les dernières gouttes de soupe et comme elle était vraiment très bonne, on lèche la cuillère, dessus, dessous en s’appliquant. Et c’est là que les sourcils se haussent. L’ustensile devenu propre sous les coups de langue gourmands, on peut s’y mirer comme dans un miroir. Et là, stupeur et tremblements pour les plus émotifs, sur le dos de la cuillère, le bombé, vous vous voyez en portrait, mais dans le creux de cette même cuillère, vous vous voyez à l’envers. Ne vous imaginez pas qu’avoir fait chabrot a modifié votre vision du monde, renouveler l’expérience sans pinard confirme la première constatation.
Je sais qu’une explication scientifique simple ( ?) basée sur le concave et le convexe, réduit à néant le mystère apparent, mais que voulez-vous, moi, ça m’épate toujours gaiement. Et manger sa soupe en souriant, n’est-ce pas l’idéal recherché par de nombreux parents ?