"Avec celui que nous aimons, nous avons cessé de parler et ce n'est pas le silence." Jusque-là, elle trouvait que cette phrase de René Char était belle. Grâce à Mathilde, elle savait maintenant qu'elle était vraie. Elles s'étaient donné rendez-vous toutes les deux à la terrasse du Lucernaire, rue Notre-Dame des champs.
Il leur avait fallu trois semaines pour franchir le pas. La blonde et la brune. La petite et la grande. La première et la dernière. Elles ne devaient pas se rencontrer. Elles ne devaient pas s'entendre. Elles ne devaient pas partager la même peine. Elles ne devaient pas se tomber dans les bras, se murmurer des paroles de réconfort à l'oreille, trinquer et retrinquer jusqu'à la fermeture de tous les bars de Montparnasse.
Mais voilà, elles s'étaient retrouvées, elles étaient ensemble et tout-à-coup, ce n'était plus le silence. Il leur parlait à travers leurs gestes, leurs rêves, leurs souvenirs. Elles le sentaient en elles si fort. Et puis, comme par magie, les toits de Paris, les murs, les rues, les fleurs et les églises ont commencé à parler, eux aussi. Tous, ils racontaient son sourire, sa fragilité, son goût de l'aventure, sa quête du bonheur, son amour de l'instant présent.
La brune et la blonde. En blanc et en rouge. Elles ont marché. Elles ont ri. Elles ont pleuré. Elles ont choisi de vivre et de le porter en elles pour toujours. Elles le garderont comme elles chérissent le soleil et elles relayeront ses rayons. Jusque dans le caveau. L'amour et l'amitié sont là pour les aider.