« L’enfer, c’est les autres. » Sortie de l’encrier de Jean-Paul Sartre, cette phrase n’a jamais été autant d’actualité qu’aujourd’hui. À l’heure où tyrans et pervers narcissiques se bousculent au balcon, la suprématie du « moi » gagne du terrain sur le relationnel. Parfois même, sur l’Autre avec un grand A. Si l’explosion du vampirisme sentimental ne fait que cristalliser le mal de l’époque, la pathologie dépasse bien souvent le domaine médical. Et vire à l’effet de mode, en témoigne l’impressionante couverture médiatique du « PN ».
Entre médias sociaux, téléréalités et autres courses à la gloriole, que reste-t-il du compromis affectif quand la toute-jouissance du moi se suffit à elle-même ? Pas grand chose. Pourquoi se forcer après tout, « qui m’aiment me suivent » dans cet onanisme de l’ego ! Si le Narcisse avait son charme en la figure de Dorian Grey, il devient vite insupportable sous les traits d’un « Monsieur tout le monde ». Loin de moi l’idée de cracher mon venin gratuitement, car l’amour-propre s’avère parfaitement sain lorsqu’il permet l’accomplissement personnel et l’éveil. À l’image du sucre, il mérite un savant dosage ; point trop n’en faut. Tourné désormais en véritable psychose, rien d’étonnant à ce que certains enchainent les déboires amoureux comme les mouchoirs, leur relation se résumant au reflet d’un ego embelli. Illusion réconfortante et ô combien flatteuse d’un « c’est moi que j’aime à travers toi ». Si nous sommes tous des nombrilistes en puissance, en proie aux états d’âme et intransigeants quant à notre propre perfection, encore faut-il pouvoir l’être pour de meilleures raisons qu’un agrégat de « duck faces » posté sur les réseaux sociaux. Tel le ridicule, le narcissisme est un art qui se pratique avec l’élégance du second degré.