Mon second texte, publié le 28 octobre 2013 : Charte – Laïcité – Droits droits des femmes
Depuis des semaines des torrents de mots frappent indistinctement rochers des convictions et terre friable des aspirations. Je me voulais touriste dans cet univers chaotique où s’affronte l’expression de nos différences. Je m’imposais de n’être qu’une observatrice non partisane. J’aspirais au silence, l’esprit usé, trop flagellé de décennies de combats menés pour atteindre l’ultime objectif : l’affirmation politique, juridique, sociale et universelle que les hommes et les femmes sont égaux.
Mais la rumeur est montée telle une marée charriant le meilleur et le pire de tout ce qui jonche les fonds marins du monde où je vis. Avant même la publication du projet d’une charte des valeurs québécoises, ils ont hurlé au loup. Si rien n’oblige à prendre le risque de la parole, tout m’oblige à réfléchir sur les assauts de ce débat sur mes propres convictions. Libre à moi de les taire ou de les exprimer. Libre au lecteur de les entendre ou de les ignorer.
Après avoir lu, sous ses diverses formes, courtes et longues, ce « document d’orientation en matière d’encadrement des demandes d’accommodement religieux, d’affirmation des valeurs de la société québécoise ainsi que du caractère laïque des institutions de l’État » j’ai choisi de signer la pétition du Rassemblement pour la laïcité dont la démarche répond mieux à mes aspirations.
Je me croyais bien informée. Me voilà estomaquée de lire dans le document d’orientation du ministre Drainville que la Charte québécoise des droits et libertés de la personne a été modifiée en 2008 seulement afin d’y inscrire, explicitement, l’égalité entre les femmes et les hommes. Dès lors, j’ai compris l’urgence d’agir pour passer le l’écrit à l’état de fait.
Aujourd’hui plus que jamais, je crois impérieuse la promulgation d’une charte de la laïcité dans ce Québec du XIXe siècle. Tout comme je crois inéluctable – et même facteur de progression – la cohabitation « multi ethnies » au sein d’une société forte de son identité; cette identité issue des racines de son passé, de son histoire, de sa langue. Une identité forgée à la flamme des luttes menées pour son évolution. Une cohabitation où le droit de la collectivité prévaut sur le droit individuel pour une intégration respectueuse autant que réussie.
Oui, je souhaite une charte de la laïcité. Oui, je suis pour une démarche qui « au-delà des clivages idéologiques, évitant le dogmatisme, cheminera sur la voie d’une laïcité des institutions publiques, garante de l’égalité de toutes et de tous, et source de cohésion sociale. » Oui, je veux que soit affirmée la neutralité de l’État et le caractère laïque de ses institutions. Je veux que soit définie la notion raisonnable des accommodements. Je veux surtout que soit encadré tout accommodement afin qu’il ne soit pas en contradiction avec l’affirmation de l’égalité des hommes et des femmes. J’irai plus loin. J’aspire à une société qui ne sacrifiera pas la liberté de penser, de questionner, de douter, de s’instruire à l’endoctrinement… surtout des enfants.
Pourquoi le projet d’une charte des valeurs québécoises – qui n’aurait pas dû renoncer à se nommer charte de la laïcité puisque seul cet aspect n’a pas été légiféré – a-t-il provoqué une telle vindicte médiatisée à outrance? Il ne s’agissait après tout que d’une invitation à débattre d’un contenu perfectible.
Pourquoi, de tous les signes religieux ostentatoires cités en exemple (malgré le regrettable droit de s’y soustraire inclus en plusieurs cas) le voile est-il devenu le plus proéminent ?
Pourquoi exprimer son désarroi, voire son incompréhension devant la prolifération des revendications et des accommodements aboutit à des invectives et des accusations de racisme et de xénophobie?
Comment peut-on vouloir limiter notre perception des enjeux en niant la pertinence d’entendre et voir ce qui se vit au-delà de nos frontières?
Comment concilier notre désir de respecter la liberté de chacun et d’aspirer à ce que chacun respecte notre liberté d’établir des règles?
Dans ma tête, mille et une questions s’affrontent face à cette tempête verbale. Elle me heurte de pleins fouets au cœur de mes idéaux, jamais abandonnés, et me confrontent à mes contradictions.
Je rêvais d’un monde sans frontière, d’une humanité en marche où l’on scanderait le bruit de nos pas au rythme de cette merveilleuse utopie (?) que sont les mots liberté, égalité, fraternité. Je croyais au partage, à l’accueil, à l’hymne planétaire réunissant toutes les musiques, où le pas militaire se transformerait en pas de danse. Je voulais être la compagne de l’homme et non son adversaire, convaincue qu’ensemble nous protégerions tous les enfants du monde.
La femme de ces rêves n’a pas renoncé. Et pourtant, aujourd’hui, je vis l’étrange paradoxe où je peux, à la fois, avec respect, amour et tolérance accepter l’autre avec sa différence, ses croyances et, en même temps, combattre les rites contraires à nos lois et les symboles quand ils représentent la négation de ce qui m’est plus sacré que tout ce qu’on peut dire sacré : la femme est l’égale de l’homme.
Quand ma tolérance et mon respect est en contradiction avec mes valeurs, mes convictions et le combat de ma vie, que dois-je choisir?