Les nuages sont venus cogner le ciel tout à l’heure. Par accident j’étais là, par accident j’ai observé la collision silencieuse.
Tu me manques.
Il me semble qu’il n’a jamais fait ce temps-là, au temps où nous passions notre temps à guetter l’instant. Il me semble que le soleil même avait choisi de nous ignorer lorsque nous recherchions l’ombre pour mieux le regretter. Il me semble que s’étendait sur le monde une nuit qui n’est que le voile du souvenir, sans doute, mais qui continue de me hanter. Il me semble que l’obscurité avait le goût du bonheur.
Tu me manques. Et c’est au plein éclat du soleil que je ressens la douleur de l’absence avec le plus d’amertume, et c’est lorsque soudain je me rappelle que jamais nous n’avons eu droit à la lumière que ton souffle me paraît s’amenuiser au creux de ma mémoire. Car c’était un autre temps, une autre saison. Car toutes les saisons vécues ensemble étaient notre hiver.
Tu me manques.
Mais peut-être avons-nous enfanté le jour dans notre désir de ne jamais le voir se lever. Mais peut-être était-il doux de se laisser couvrir de nuit. Mais peut-être le soleil est-il aujourd’hui l’ennemi triomphant de ce que nous avons été hier, et si c’est cela, et si alors il fallait quitter l’obscurité pour trouver la lumière, que m’importe la clarté, que m’importe son cortège insolent de beauté ? Je suis de nuit comme l’on est d’un pays.