Difficile d’évoquer la guerre du Vietnam en 1978. En effet, cela fait maintenant 10 ans que le public américain est abreuvé d’images d’actualité et de bombes aux napalms que l’on déverse sur les Vietnamiens. Comme avec l’Irak aujourd’hui, la population s’est blindé et semble anesthésier dès que l’on aborde le sujet. Comment alors réaliser un film sur les conséquences de ce conflit et parvenir à émouvoir les spectateurs ? Le metteur en scène Michael Ciminio va brillamment y arriver avec The Deer Hunter.
Le premier acte du film nous introduit intelligemment les personnages. La longue séquence du mariage nous permet de nous familiariser avec cette bande d’amis, tous fils d’immigrés Ukrainien. Trois d’entre eux vont bientôt partir pour le Vietnam. Le temps d’un mariage, entre beuveries rigolades et vacheries, nous faisons connaissance. Les acteurs sont tous des pros et le casting fait rêver : De Niro, Christopher Walken, Meryl Streep, John Savage et John Cazale. En une heure nous avons suffisamment partagé leur quotidien et sympathiser avec eux pour qu’ensuite Cimino puisse nous projeter violemment dans l’enfer de la guerre. Mais comment alors représenter en un peu plus de 35 minutes un conflit aussi complexe que celui du Viêtnam ?
Ce qui a beaucoup été reproché au film lors de sa sortie est sa vision réductrice et manichéenne de la guerre. C’est vrai que les « Viêt-Cong » sont présentés ici comme des barbares qui jouissent de la souffrance qu’ils exercent autan sur la population civile que sur les prisonniers Américains. Pour certains spectateurs la pilule est dur à avaler, surtout après un scandale comme celui du massacre de Mỹ Lai.* Mais l’objectif de Cimino n’est pas là. Son film parle du traumatisme vécu par les soldats. Ainsi la séquence de la roulette Russe agit comme une métaphore de l’horreur vécu par nos héros et symbolise le caractère aléatoire de la survie en temps de guerre.
Car le film ne commence réellement que dans sa troisième partie. Les personnages de Michael et de Nick (joué par De Niro et Walken) représentent pour Cimino deux alternatives. Soit l’impossible retour en arrière de Nick, qui choisit en quelques sortes un suicide programmé (il sait qu’il ne peut plus réintégrer le monde civil). Soit le choix de Michael qui malgré tout, choisi de continuer à vivre. En reprenant la vie (l’identité même) de Nick et supporter la culpabilité qui va avec.
Avec The Deer Hunter, Michael Cimino va frapper en plein cœur le public américain qui lui fera un triomphe. Derrière une construction mythologique il se pose la question de « l’après ». Ainsi la scène finale de l’hymne américain est moins une critique du patriotisme qu’une manière d’amorcer la reconstruction d’une nation qui pense ses plaies.
*En 1968, 300 civils dont des femmes et des enfants, furent sauvagement massacrés par l’armée américaine. Les images de ce drame traumatisèrent l’opinion publique, comme les cinéastes du nouvel Hollywood. La fusillade finale de « La Horde Sauvage » de Sam Peckinpah en est littéralement l’illustration.