2 décembre 1694 | Mort du sculpteur Pierre Puget

Publié le 02 décembre 2013 par Angèle Paoli
Éphéméride culturelle à rebours

Le 2 décembre 1694 meurt à Marseille Pierre Puget, sculpteur des Arsenaux du Roy.




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Né en 1620 dans le quartier populaire du Panier à Marseille, Pierre Puget, avant-dernier enfant d’une fratrie de neuf frères et sœurs, orphelin de père dès l’âge de deux ans, part étudier en Italie chez un sculpteur sur bois. Il est tout juste âgé de dix-huit ans lorsqu’il est introduit auprès de l’artiste Pietro da Cortona (Pietro Berrettini) qui dirige un atelier de peinture et de sculpture. De retour en France, il travaille comme décorateur de navires à l’Arsenal de Toulon. En 1655-1657, Puget acquiert ses lettres de noblesse en réalisant deux Atlantes (figures allégoriques de la fatigue et de la force) qui soutiennent le balcon du portail monumental de l’Hôtel de ville. En 1659, Pierre Puget transmet toute sa passion tourmentée à son Hercule terrassant l’hydre de Lerne, commande du marquis de Girardin, exposé aujourd’hui au Musée des Beaux-Arts de Rouen. Appelé par Fouquet, protecteur des arts et mécène, Pierre Puget — à qui l’homme d’État veut confier nombre de commandes pour Louis XIV ainsi que pour son compte personnel (il vient de faire construire son château de Vaux-Le-Vicomte) —, se rend à Gênes pour s’approvisionner en marbre de Carrare. Fouquet étant tombé en disgrâce en 1661, le sculpteur décide de poursuivre son séjour en Italie. Au cours de ces sept années, il exécute plusieurs œuvres pour les églises et les palais génois. Notamment un Saint Sébastien pour l’église Santa Maria di Carignano (1668).

De retour en France (1868), il prend la direction de l’atelier de sculpture de l’Arsenal de Toulon. À Marseille où il se voit confier d’importants projets d’urbanisme et d’architecture, Puget réalise la Halle aux Poissons et l’ensemble de La Vieille-Charité. C’est aussi l’époque où il exécute ses deux chefs-d’œuvre : Milon de Crotone dévoré par un lion (1682) et Persée délivrant Andromède (1684). Œuvres qui mettent Pierre Puget au rang du Bernin et valent à l’artiste son surnom de « Michel-Ange » français.

Commandées par Colbert en 1670, ces deux sculptures ont été exécutées par l’artiste dans des blocs de marbre de Carrare entreposés à l’Arsenal de Toulon. Présentées à Louis XIV en 1683-1684, ces œuvres surprirent par leur fougue baroque et le puissant lyrisme qui s’exprime dans leurs formes tourmentées. Bien qu’éloignées des canons en vigueur à la cour de Versailles, elles furent reconnues par le roi et il fut décidé qu’elles seraient destinées à orner l’entrée du Tapis vert, « élément de la grande perspective de Le Nôtre qui conduit le regard depuis la façade de la galerie des Glaces jusqu’à l’extrémité du Grand Canal ». Retirées de Versailles au XIXe siècle, les deux statues originales se trouvent aujourd’hui au Musée du Louvre, dans la Cour Puget (deux moulages ont été réalisés en 2013 et remis à l’emplacement d’origine des statues à l’occasion de l’Année Le Nôtre).

Au XIXe siècle, dans le poème des Fleurs du Mal intitulé « Les Phares », Baudelaire rend ainsi hommage au grand sculpteur : Colères de boxeur, impudences de faune,
Toi qui sus ramasser la beauté des goujats,
Grand cœur gonflé d’orgueil, homme débile et jaune,
Puget, mélancolique empereur des forçats […]



© Musée du Louvre/P. Philibert
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PERSÉE DÉLIVRANT ANDROMÈDE

Comme tant d’autres artistes avant lui, c’est dans Ovide que Pierre Puget puise sa matière pour réaliser le groupe de Persée et d’Andromède. L’épisode que l’artiste donne à voir s’inspire du Livre IV des Métamorphoses. Au moment où, emportant sous le bras la tête au col tranché de la Gorgone, Persée, parvenu aux abords de l’Éthiopie, aperçoit Andromède enchaînée à un rocher et sur le point d’être engloutie par un monstre marin. Face à l’impuissance désespérée des parents de la jeune fille et face à la terreur de « l’innocente Andromède », Persée, mu par une passion soudaine, entre en action. Il terrasse le monstre, rompt les chaînes qui entravent la belle et l’emporte avec lui dans les airs. Pour l’épouser.

De cette geste héroïque, Puget ne retient que certains aspects. Resserrant son action autour des deux corps enlacés, tendus par l’effort et par l’abandon qui les unit, l’artiste s’ingénie à traduire les contrastes des formes et des expressions. Le corps immense de Persée, pris dans la tension de son élan, évoque le mouvement impétueux de la volonté. Ainsi que celui de la victoire sur l’adversité. Andromède, abritée par le corps du géant, paraît minuscule. Tout entière recueillie dans le giron du héros, elle lui tourne le dos, offrant au spectateur la douceur de son visage et la finesse de ses traits. Bras recourbés au-dessus de la tête et yeux clos, la fille de Cassiopée et de Cépheus apaisée, semble dormir. La poitrine dénudée, les cheveux défaits, le désordre de ce qu’il reste de ses vêtements enroulés autour de la taille, trahissent la lutte qui a précédé sa délivrance. Persée, bras droit levé dans le prolongement de son visage tourné vers le ciel, est tout entier occupé à décrocher la chaîne arrimée au rocher. De l’autre bras, il soutient Andromède qui lui a confié sa main. Au mouvement de l’un, accentué par l’envol torturé du drapé, s’oppose l’immobilité de l’autre. Aux traits révulsés et hideux de Méduse gisant aux pieds de Persée, s’oppose la rondeur bienveillante d’un angelot fessu qui s’agrippe aux amants. Cupidon veille à l’amour tandis qu’un nid de serpents s’agite encore autour du chef tranché de la Gorgone.

On ne peut qu’être saisi par la beauté de cette danse qui s’enroule autour de l’axe nerveux du rocher.

La définition que donne de la statue la poète américaine Cole Swensen — un « état intermédiaire entre homme et arbre… » (« Statuaire » in Le Nôtre, Éditions Corti, page 93) —, me semble convenir à merveille pour caractériser le groupe de Persée délivrant Andromède.

Angèle Paoli
D.R. Texte angèlepaoli





■ Voir aussi ▼

→ (sur aROOTS) Pierre Puget, architecte baroque à Marseille



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