Il n’est plus de jour sans que les télévisions n’ajoutent un nouveau pourcentage à la longue glissade des taux de popularité de nos dirigeants. Il n’est plus d’édition journalistique sans que maints commentaires désobligeants ne s’étalent largement à longueur de colonne. Nos graves responsables de la fameuse Banque Nationale d’Investissement s’insurgent. Ces informations ne sont pas seulement inutiles. Elles entretiennent la sinistrose qui ronge le cœur et les esprits de nos concitoyens. De quoi, disent ces hauts fonctionnaires surdiplômés de toutes les Hautes Écoles aux salaires assurés et confortables, un chômeur qui touche des indemnités pourrait-il se plaindre ? Il n’a même plus besoin de chercher un nouvel emploi puisqu’il n’y en a pratiquement plus de disponible. De quoi, un artisan plombier pourrait-il se plaindre ? L’hiver et son cortège de gels arrivera sous peu. Il ne manquera pas de tuyaux à réparer et de fuites à colmater et ce seront ses clients qui paieront la TVA. De quoi les paysans se plaignent-ils, eux qui vivent toute l’année au cœur même cette merveilleuse campagne qui entoure si joliment les résidences secondaires alors que leurs propriétaires sont contraints, eux, d’aller travailler à la ville ? Pour tout dire c’est un scandale. Non ! Au lieu de relater ces nouvelles si néfastes pour l’état psychologique du Pays, les dits médias devraient apporter des éclairages plus proches des vraies réalités de la vie. Quelle était la couleur des chaussettes de Qui-vous-savez lorsqu’il prononça son grand discours sur la grandeur du sacrifice individuel face à l’impôt collectif ? Étaient-elles en laine ou en coton ?Étaient-elles même de couleur identique ? Ou, dans un autre domaine tout aussi concret, qu’avait-il pris à son petit-déjeunerpour se donner de l’entrain avant son entretien téléphonique avec son homologue américain ? Ce serait là du vécu bien tangible et dûment contemporain. Mais nul n’en a parlé alors que des millions de gens seraient sans doute heureux de pouvoir l’imiter dans l’espoir de trouver, comme lui, le courage d’aller travailler. On ne sait pas plus si la mousse à raser de notre Grand Argentier diffuse des fragrances de vanille ou de chocolat. Il y aurait à dire au sujet de l’eau de toilette de son complice le Grand Percepteur qui, manifestement, rafraîchit son teint et estompe ses rides. Mais on ne nous dit rien. Mais élevons le débat. Aiment-t-il le rap de Kamini ou de Dragon Davy ou préfèrent-t-il l’interprétation du Concerto n°3 de Prokofiev par l’Orchestre Philarmonique de Berlin dirigé par Simon Rattle et le pianiste virtuose Lang Lang ? La réponse n’est pas si anodine qu’il y paraît. Elle permettrait au bon peuple de savoir dans quel monde ils vivent et, surtout, s’ils vivent dans le même que le sien. En un mot, toutes ces confidences ne porteraient pas plus à conséquence que les autres nouvelles mais elles seraient sans aucun doute du meilleur effet sur le moral hexagonal. Et le monde ne s’en porterait pas plus mal dans sa course autour de lui-même.